Les copropriétés à l’heure du virus covid-19 : les preconisations de l'ARC

31/03/2020 Dossier

Au-delà de la perturbation de la vie personnelle, familiale et professionnelle que chacun subit actuellement, les immeubles en copropriétés sont perturbés dans leur fonctionnement. Cet article se propose de répondre aux premières questions que peuvent se poser les copropriétaires et en conséquence peut intéresser également les conseils syndicaux, les syndics bénévoles  ainsi que les gardiens et employés d’immeubles.

I. Le syndic

Le mandat du syndic arrive à son terme bientôt, que va-t-il se passer ?

Il ne va rien se passer et le syndic va pouvoir continuer de gérer la copropriété. Il s’agit de l’application de l’article 22 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, publiée au Journal officiel de la République française le 25 mars 2020.

L’ordonnance prévoit que le contrat du syndic arrivant à échéance « pendant la période comprise entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré dans les conditions de l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 » est renouvelé dans les mêmes termes jusqu’à la prise d'effet du nouveau contrat du syndic désigné par la prochaine assemblée générale des copropriétaires, au plus tard dans les six mois qui suivront la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire déclaré.

Toutefois, si une assemblée générale avait désigné avant le 25 mars 2020, date de la publication de l’ordonnance précitée, un syndic dont le contrat prend effet à compter du 12 mars 2020, cette décision reste applicable.

Comment le syndic gère-t-il la copropriété ?

Le syndic est astreint à mettre en place le télétravail pour ses gestionnaires et ses comptables en particulier, tandis que ses bureaux sont interdits au public. C’est donc une gestion à distance qui existe, avec tous les problèmes qui y sont liés. Les interventions urgentes sont organisées avec des prestataires qui sont responsables de la sécurité de leurs salariés.

II. L’assemblée générale

Peut-on convoquer et réunir l’assemblée générale malgré les restrictions de déplacement ?

Non, les restrictions de déplacement interdisent de participer à une telle réunion tandis que toutes les salles de réunions en France sont interdites au public.

Les assemblées générales se tiendront une fois l’état d’urgence sanitaire terminé.

Il faut distinguer deux hypothèses :

  • Les assemblées générales qui ont été convoquées et pour lesquelles la tenue était prévue pendant la période de confinement. Dans ce cas, il sera possible de les reconvoquer rapidement après la fin de la période de confinement pour une tenue avant le mois d’août.
  • Les assemblées générales qui n’ont pas encore été convoquées du fait notamment que les contrôles de comptes n’ont pas été réalisés. Dans ce cas, il faudra prévoir une convocation et une tenue à partir de septembre.
  • Dans tous les cas, il s’agit bien d’approuver les comptes de l’exercice écoulé indépendamment « de la prolongation du mandat de syndic ».

Que faire quand l’assemblée générale a déjà été convoquée ?

Même si chaque copropriétaire sait qu’il ne pourra pas se déplacer puisque ce type de déplacement n’est pas autorisé, le syndic doit avertir par tout moyen les copropriétaires de l’annulation de la tenue de l’assemblée générale. Rien ne l’oblige à envoyer une lettre recommandée avec accusé de réception, d’autant plus que La Poste a bien du mal à assurer son acheminement et sa remise. Il est préférable d’utiliser le courrier simple ou le courrier électronique.

Le syndic aura à établir un procès-verbal de carence de la tenue de l’assemblée générale convoquée, qu’il n’a pas à « signifier » sous un mois aux copropriétaires puisque ceux-ci ne vont rien avoir à contester. Son envoi avec la convocation de la prochaine assemblée générale suffira.

Peut-on tenir une assemblée générale sans se déplacer ?

Pas vraiment, puisque les moyens électroniques visés par la loi dite ELAN et son décret d’application doivent avoir été préalablement décidés par l’assemblée générale et en réalité très peu d’assemblées générales ont pu le faire avant mars 2020. De plus se pose la question de l’assemblée générale complètement numérique, sans aucun participant présent physiquement : qui va présider cette assemblée et comment le syndic va-t-il rédiger et faire signer le procès-verbal dès la fin de l’assemblée ?

Le vote par correspondance se heurte aux mêmes limites et de toute façon le décret qui aurait permis son application n’a pas été encore publié.

Quid du délai légal de convocation dans les six mois après la date de clôture des comptes ?

L’article 14-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que « l'assemblée générale des copropriétaires appelée à voter le budget prévisionnel est réunie dans un délai de six mois à compter du dernier jour de l'exercice comptable précédent ».

L’ordonnance n° 2020-321 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles de réunion et de délibération des assemblées et organes dirigeants des personnes morales et entités dépourvues de personnalité morale de droit privé en raison de l'épidémie de Covid-19, publiée le 25 mars 2020, a ignoré toutes les dispositions de la loi du 10 juillet 1965.

Les assemblées générales ne seront donc pas convoquées dans le délai légal, mais aucune sanction n’étant prévue, cela n’aura guère de conséquence.

III. Le conseil syndical

Le conseil syndical peut-il se réunir ?

Non, pas physiquement, car aucune réunion n’est possible au regard des interdictions de déplacement en vigueur, même pour aller chez le voisin de palier.

Le conseil syndical peut-il communiquer avec le syndic ?

Oui, selon les moyens définis par le syndic en rappelant que les gestionnaires et comptables travaillent à leur domicile.

IV. Les gardiens et employés d’immeubles

Le ministère du Logement a indiqué le 25 mars 2020 que « les gardiens et concierges d’immeubles peuvent continuer à travailler en respectant les consignes sanitaires, et notamment les gestes barrières et les mesures de distances sanitaires avec les habitants de l’immeuble ».

Les organisations professionnelles, dont l’ARC fait partie, ont détaillé les conditions dans lesquelles le travail doit être poursuivi :

https://arc-copro.fr/documentation/les-recommandations-destination-des-gardiens-et-employes-dimmeuble-suite-aux-mesures

Il est utile de s’y référer pour répondre aux questions sur la poursuite de l’activité des gardiens et employés d’immeubles. Cet article traite de questions complémentaires.

L’employé d’immeuble doit-il venir travailler ?

Oui, après avoir été dûment informé des mesures individuelles de protection (gestes barrières), de distanciation et du port des équipements de protection (gants de ménage notamment).

Il est précisé qu’il a besoin d’un justificatif de déplacement professionnel (disponible sur le site du ministère de l’Intérieur) rempli par l’employeur : sa validité est permanente et dispense de remplir l’attestation dérogatoire de déplacement individuelle.

Le gardien a-t-il besoin de remplir l’attestation dérogatoire de déplacement individuelle ?

Non : dans son activité professionnelle limitée au sein de l’ensemble immobilier, le gardien est sur un domaine privé et ne se déplace pas. Cependant, s’il existe des voies ouvertes à la circulation publique au sein de l’ensemble immobilier, les services de police peuvent procéder à des contrôles et il peut alors être utile de le munir d’un justificatif de déplacement professionnel.

Puis-je exiger du gardien qu’il me remette mon courrier ou mes colis ?

Le service du courrier se poursuit dans les conditions normales, mais le gardien doit exiger en permanence une distance d’au moins un mètre entre lui et toute personne. Le service du courrier et de remise des colis doit être organisé en fonction de cette obligation.

Le gardien ou l’employé d’immeuble peut-il être placé en activité partielle ?

Les tâches de nettoyage, le service des déchets ménagers, le service du courrier et les tâches d’entretien ne sont pas susceptibles de diminuer alors que les habitants sont confinés dans les appartements.

L’activité partielle (autrefois appelée le chômage partiel) n’est donc pas, dans un cadre général, envisagée pour les gardiens et employés d’immeubles.

Cependant, dans des cas particuliers de salariés se retrouvant sans travail à réaliser, l’activité partielle est envisageable en précisant que les gardiens sont exclus de toute référence horaire et qu’ils ne peuvent donc pas être au chômage sur un pourcentage de leur durée du travail. Cette mesure ne peut donc concerner que les employés d’immeuble qui travaillent sur la base d’un contrat horaire.

Le syndic peut-il imposer une semaine de congés payés au gardien ou à l’employé d’immeuble ?

Non, car il faut, selon l’ordonnance n° 2020-323 du 25 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière de congés payés, de durée du travail et de jours de repos, publiée le 25 mars 2020, qu’il existe un accord d’entreprise pour cela. Il n’existe pas d’accord de branche qui permette de le faire.

Le syndic peut-il augmenter la durée du travail du gardien ou de l’employé d’immeuble ?

L’ordonnance précitée a ouvert la possibilité de déroger à la durée maximale du travail et aux repos, mais cela ne concerne pas les gardiens et employés d’immeubles.

Qui prend les décisions actuellement ?

C’est toujours le syndic qui prend les décisions relatives à la gestion des gardiens et employés d’immeubles, assisté et contrôlé (à distance) par le conseil syndical.

V. Les sociétés de ménage

La fédération des entreprises de propreté a pris des mesures similaires à celles qui concernent les gardiens et employés d’immeubles afin que les sociétés de ménage puissent assurer leurs missions contractuelles dans les immeubles en copropriété en particulier.

Les sociétés de ménage sont tenues d’assurer leur missions contractuelles. Elles ne peuvent pas décider librement d’assurer d’autres activités ou de réduire (ou cesser) leurs activités contractuelles sans justification d’ordre sanitaire ou dérogatoire (garde d’enfant, vulnérabilité, …).

Une diminution des prestations peut être négociée en cas de nécessité, mais pas leur suppression pure et simple.

En cas de problème grave d’hygiène dans un immeuble, il est rappelé que les préfets peuvent ordonner toute réquisition nécessaire dans le cadre des mesures liées à la lutte contre le virus Covid-19 : on imagine ce que serait la vie de gens confinés avec une colonne de vide-ordures bouchée par les ordures qui s’empilent sur une poubelle abandonnée à elle-même…

    En cette période difficile pour tout le monde, connaître les droits et obligations de tous les acteurs du monde de la copropriété peut permettre d’affronter les contraintes imposées sans y ajouter de tensions résultant de leur méconnaissance.