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Le mandat ne vaut que pour les questions inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée générale
Arrêt important.
Lorsqu'un copropriétaire donne un pouvoir à un tiers de le représenter pour l'assemblée générale, ce pouvoir ne vaut que pour les décisions préalablement inscrites à l'ordre du jour.
La Cour de Cassation, en date du 8 septembre 2016 (n° 15 - 23422), a rendu un arrêt important.
Celui-ci porte sur la tenue de l’assemblée générale et présente un double intérêt, tout en rappelant une jurisprudence constante en la matière :
- régularité des délibérations au regard de l’ordre du jour figurant dans la convocation ;
- capacité de vote pour le mandataire et pouvoir du mandant de contester une résolution adoptée, mais irrégulière.
Les faits
Les copropriétaires d’un local commercial d’un immeuble parisien reçoivent la convocation de l’assemblée générale du syndicat avec un ordre du jour, bien sûr, déterminé.
Ne pouvant y assister, ils souhaitent malgré tout participer et donnent mandat pour y être représenté.
Cependant, à réception du procès-verbal, ils constatent que l’ordre du jour a été complété après sa notification et qu’au surplus, leur mandataire a voté favorablement pour la résolution ajoutée illégalement au cours de l’assemblée.
Ils décident alors d’engager une action judiciaire en nullité de la résolution litigieuse, au motif que :
- l’ordre du jour ne peut être complété, dès lors que le délai de 21 jours (article 9 du décret du 17 mars 1967) est entamé ;
- le mandat qu’ils avaient remis à leur mandataire ne valait que pour l’ordre du jour notifié régulièrement aux copropriétaires et qu’en conséquence, ils n’étaient pas liés par le vote de leur mandataire à l’égard du syndicat sur la question ajoutée au cours de l’assemblée générale.
Compte tenu de ces irrégularités manifestes, ils se retrouvaient, en regard de cette résolution, qualifiés de « copropriétaires défaillants », c’est-à-dire absents (et non représentés), et ils retrouvaient ainsi la capacité de contester judiciairement cette résolution !
La décision de la Cour de Cassation
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation a fait droit à la demande de ces copropriétaires :
"Attendu que la convocation contient l’ordre du jour, qui précise chacune des questions soumises à la délibération de l’assemblée générale ; qu’un mandat ne peut porter que sur les questions figurant à l’ordre du jour….
Attendu que pour déclarer la demande irrecevable, l’arrêt retient que la résolution contestée par les consorts L., qui ont été régulièrement représentés, a été votée à l’unanimité des copropriétaires et, que l’action prévue par l’article 42 (de la loi du 10 juillet 1965) n’est pas ouverte aux copropriétaires ayant voté, par le truchement de leur mandataire, en faveur de la résolution contestée ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait constaté que le mandataire avait voté sur une question ne figurant pas à l’ordre du jour, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés ;"
Conclusion et conseils
Cet arrêt vient utilement rappeler les obligations respectives :
- au mandataire à l’égard de son mandant : il ne peut aller au-delà de ce que le titulaire dispose comme droit ;
- du syndicat vis-à-vis des copropriétaires : plus précisément dans ce dernier cas il s’agit du rôle majeur du président de séance, sans bien sûr oublier l’obligation de conseil de la part du syndic professionnel !
En effet, c’est au président que revient la charge d’une tenue régulière de l’assemblée générale du syndicat (article 15 du décret du 17 mars 1967).
Il ne doit donc, ni de son chef, ni sur demande d’un copropriétaire, ajouter une résolution à l’ordre du jour, et prendre encore plus de précautions dès lors que ce ne sont pas les copropriétaires en personne qui sont présents à cette assemblée.
Le pouvoir donné par un copropriétaire absent à l’assemblée générale doit être signé
Par cet arrêt, la Cour de cassation pose un principe important relatif à la délégation de pouvoirs.
Une délégation de pouvoir doit être signée, sinon l'assemblée générale encourt la nullité.
Le déroulement et la tenue de l’assemblée générale doivent respecter des règles précisées dans le décret du 17 mars 1967.
En fonction de la taille de la copropriété, des horaires de convocation et de la durée de l’assemblée, le bureau auquel participe généralement le syndic en tant que secrétaire peut se heurter à des approximations notamment au regard de la comptabilisation des mandats des copropriétaires absents et représentés.
Ces errances ne sont pas anodines pour l’assemblée générale, comme le souligne la Cour de cassation dans son arrêt du 13 septembre 2018 (17-23292)
I. Feuille de présence : objet et modalités d’établissement
L’article 14 du décret du 17 mars 1967 dispose qu’une feuille de présence à l’assemblée générale doit être établie avant le commencement de la réunion et certifiée exacte et signée en fin de séance par le président.
Ce document atteste des copropriétaires présents ou représentés à cette réunion du syndicat, c’est donc un moyen de preuve.
Il constitue à ce titre une annexe de l’original du procès-verbal de l’assemblée générale rédigé par le secrétaire en fin de séance, paraphé et signé par le bureau.
Ce formulaire doit contenir le nom, le nombre de voix, l’adresse du propriétaire du lot, ou en cas de représentation celle de son mandataire et doit être signé par la personne présente à cette réunion du syndicat.
Le syndic, chargé en principe de la conservation des archives du syndicat des copropriétaires, doit conserver l’original du procès-verbal avec ses annexes, autrement dit la feuille de présence et les pouvoirs des copropriétaires absents et représentés.
II. L’importance des pouvoirs qui accompagnent la feuille de présence
Dans la pratique, des erreurs et omissions peuvent exister, en raison des mouvements des copropriétaires (arrivée tardive, départ prématuré), mais également des carences du bureau, président mal informé par le syndic en exercice qui assure généralement le secrétariat et détient les moyens informatiques permettant les décomptes des votes.
A l’issue de l’assemblée générale, et à tout moment, tout copropriétaire peut requérir du syndic, la copie de l’original du procès-verbal de l’assemblée générale et de ses annexes (article 33 du décret du 17 mars 1967).
En l’espèce, une copropriété a tenu son assemblée générale annuelle le 14 mai 2013.
Un couple de copropriétaires opposants exige ensuite du syndic les annexes du procès-verbal de l’assemblée générale.
Ils décident d’engager une action judiciaire en annulation de cette assemblée dans son ensemble en s’appuyant sur un grand nombre d’éléments qu’ils considèrent comme irréguliers.
Entre autre, ils évoquent des irrégularités concernant la feuille de présence et le décompte des voix des copropriétaires présents.
Plusieurs causes sont invoquées :
- un copropriétaire qui n’a pas signé la feuille de présence n’est pas mentionné comme absent dans le procès verbal,
- mention sur la liste des absents d’une personne qui ne fait pas partie de la copropriété,
- arrivée en cours d’assemblée d’un copropriétaire mentionné comme présent dès le commencement,
- pouvoir enregistré alors qu’il n’était pas signé par le mandant.
Le Tribunal de Grande Instance de Créteil et la Cour d’appel de Paris dans sa décision n°15 - 10689 du 14 juin 2017, rejettent cette action en considérant que ces approximations étaient accessoires et se révélaient sans impact sur les résolutions de l’assemblée générale (majorités acquises et procès-verbal permettant de pallier les carences de la feuille de présence).
Ces deux copropriétaires se pourvoient en cassation.
La Cour de cassation dans son arrêt n°17 - 23292 du 13 septembre 2018 infirme partiellement la décision de la Cour d’appel en s’appuyant sur une irrégularité qui entachait la feuille de présence :
«…Attendu que, pour rejeter la demande en annulation de l'assemblée générale, l'arrêt retient que la feuille de présence est affectée d'erreurs matérielles sans conséquence sur la validité de l'assemblée générale ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions des consorts Z... qui soutenaient que l'assemblée générale était nulle en raison du défaut de signature de M. et Mme Y... sur le pouvoir donné par eux, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE… ».
Cette décision est très claire.
Une délégation de pouvoir à l’assemblée générale doit être signée, cette signature atteste de la réalité du mandat.
Un mandat en blanc signé est régulier ; un mandat comportant le nom du mandataire même écrit de manière manuscrite mais non signé ne l’est pas.
Le président de séance doit être implacable lors du contrôle des mandats des copropriétaires absents et représentés et de leur prise en compte, afin de ne pas exposer le syndicat à une action judiciaire en nullité.
La loi ELAN a précisé l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965 concernant la répartition des pouvoirs donnés par des copropriétaires absents.
Depuis le 25 novembre 2018, lorsque le syndic a reçu des mandats sans indication de mandataire, « il ne peut ni les conserver pour voter en son nom, ni les distribuer lui-même aux mandataires qu'il choisit ».
Le président de l’assemblée générale doit donc aussi maintenant s’assurer de la manière dont le syndic aurait distribué les pouvoirs en blanc reçus par ses soins.