La Cour de Cassation rappelle les règles de transmissibilité d’un droit de jouissance exclusif sur une partie commune
Jurisprudence constante.
Si un copropriétaire peut revendiquer une jouissance exclusive sur une partie commune, y compris en faisant jouer le délai d’occupation de celle-ci par le précédent copropriétaire, ce privilège implique un droit incontestable et continu, résultant à titre principal d’une clause conventionnelle.
Dans certains ensembles en copropriété, le propriétaire du ou d’un lot en rez-de-chaussée est le seul utilisateur d’un jardin et/ou d’une cour qui est contigu à son lot, et qui dans le règlement de copropriété est qualifié de partie commune.
Avec le temps, ce copropriétaire pourrait considérer qu’il a acquis un droit de jouissance exclusif sur cette partie commune.
La Cour de Cassation précise, dans un arrêt du 18 janvier 2018 le droit applicable dans ce domaine, notamment en cas de cession du lot.
I. La constitution d’un droit de jouissance exclusif sur une partie commune
Par nature, les parties communes sont accessibles à tous les copropriétaires ou à certains d’entre eux.
Le droit de jouissance privatif sur une partie commune s’entend d’un usage exclusif de celle-ci en faveur soit du lot, soit de son propriétaire (et donc de son locataire).
Cela signifie, que tout en demeurant une partie commune, cette fraction de l’immeuble est réservée à un lot, ou son copropriétaire, qui en contrepartie effectue sur celle-ci les menues opérations de maintenance. C’est essentiellement une cour, un jardin ou une terrasse en toiture.
En revanche, les travaux d’entretien ou d’amélioration restent en principe à la charge du syndicat, puisque son objet consiste à assurer la conservation des parties communes (art. 14 de la loi du 10 juillet 1965).
Cet avantage particulier, qu’est le droit de jouissance exclusif sur une partie commune, est constitué principalement, soit :
- dès l’origine de la mise en copropriété de l’immeuble selon une clause du règlement de copropriété (art. 8 de la loi du 10 juillet 1965) ;
- postérieurement, par le biais d’une décision de l’assemblée générale souveraine du syndicat des copropriétaires (article 17 de la loi du 10 juillet 1965). Cet acte de disposition concernant une partie commune doit être adopté en principe à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.
Un avenant au règlement de copropriété doit aussi être voté et enregistré au service foncier pour être opposable aux ayants droit des copropriétaires, dont les acquéreurs futurs (article 13 de la loi du 10 juillet 1965).
À titre exceptionnel, ce droit de jouissance privatif peut résulter d’un usage exclusif, continu et public du bien immobilier commun, par le propriétaire du lot, pendant au moins trente ans.
Nous sommes alors dans le cadre de la prescription acquisitive, définie par les articles 2258 et suivants du Code civil.
Ce droit de jouissance privatif d’un lot, revendiqué par le jeu de la prescription trentenaire, est différent du droit de jouissance rattaché à la qualité de copropriétaire.
II. Acquisition par prescription du droit de jouissance exclusif sur une partie commune
La Cour de Cassation, dans son arrêt du 18 janvier 2018 n°16-16950, a recherché si les éléments nécessaires pour obtenir une acquisition par prescription étaient réunis.
La réponse est négative, comme on peut le constater à la lecture de l’arrêt :
« Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient…d’autre part, que la cession incluait nécessairement le droit de jouissance sur les jardins attenants aux lots…sur lesquels ils disposent d’un accès privatif direct ;
Qu’en statuant ainsi, alors que la jouissance des parties communes attachée à la qualité de copropriétaire est distincte du droit de jouissance exclusif attaché à un lot, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
Par ces motifs, Casse et Annule, mais seulement en ce qu’il dit que les époux H. ont acquis par voie d’usucapion un droit réel et perpétuel de jouissance exclusive sur une partie commune dénommée ‘jardins sur l’A.’… »
Il en résulte qu’à défaut de stipulation conventionnelle, et d’une occupation exclusive incontestable, l’acquéreur d’un lot contigu d’un jardin ou d’une cour, ne peut en revendiquer l’usage privatif par la prescription trentenaire obtenue.
Mettre en avant la simple addition de ses propres années d’occupation de cette partie commune, à celles déjà faites par son vendeur et l’entretien apporté, ne suffit pas.
Si un copropriétaire peut revendiquer une jouissance exclusive sur une partie commune, y compris en faisant jouer le délai d’occupation de celle-ci par le précédent copropriétaire, ce privilège implique un droit incontestable et continu, résultant à titre principal d’une clause conventionnelle.