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La Cour de Cassation rappelle les règles de transmissibilité d’un droit de jouissance exclusif sur une partie commune

Catégories Définition des parties communes et privatives
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
18 janvier 2018 (16-16.950)
Observations

Jurisprudence constante.

Principe retenu

Si un copropriétaire peut revendiquer une jouissance exclusive sur une partie commune, y compris en faisant jouer le délai d’occupation de celle-ci par le précédent copropriétaire, ce privilège implique un droit incontestable et continu, résultant à titre principal d’une clause conventionnelle.

Analyse de la décision

Dans certains ensembles en copropriété, le propriétaire du ou d’un lot en rez-de-chaussée est le seul utilisateur d’un jardin et/ou d’une cour qui est contigu à son lot, et qui dans le règlement de copropriété est qualifié de partie commune.

Avec le temps, ce copropriétaire pourrait considérer qu’il a acquis un droit de jouissance exclusif sur cette partie commune.

La Cour de Cassation précise, dans un arrêt du 18 janvier 2018 le droit applicable dans ce domaine, notamment en cas de cession du lot.

I. La constitution d’un droit de jouissance exclusif sur une partie commune

Par nature, les parties communes sont accessibles à tous les copropriétaires ou à certains d’entre eux.

Le droit de jouissance privatif sur une partie commune s’entend d’un usage exclusif de celle-ci en faveur soit du lot, soit de son propriétaire (et donc de son locataire).

Cela signifie, que tout en demeurant une partie commune, cette fraction de l’immeuble est réservée à un lot, ou son copropriétaire, qui en contrepartie effectue sur celle-ci les menues opérations de maintenance.  C’est essentiellement une cour, un jardin ou une terrasse en toiture.

En revanche, les travaux d’entretien ou d’amélioration restent en principe à la charge du syndicat, puisque son objet consiste à assurer la conservation des parties communes (art. 14 de la loi du 10 juillet 1965).

Cet avantage particulier, qu’est le droit de jouissance exclusif sur une partie commune, est constitué principalement, soit :

  • dès l’origine de la mise en copropriété de l’immeuble selon une clause du règlement de copropriété (art. 8 de la loi du 10 juillet 1965) ;
  • postérieurement, par le biais d’une décision de l’assemblée générale souveraine du syndicat des copropriétaires (article 17 de la loi du 10 juillet 1965). Cet acte de disposition concernant une partie commune doit être adopté en principe à la double majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965.

Un avenant au règlement de copropriété doit aussi être voté et enregistré au service foncier pour être opposable aux ayants droit des copropriétaires, dont les acquéreurs futurs (article 13 de la loi du 10 juillet 1965).

À titre exceptionnel, ce droit de jouissance privatif peut résulter d’un usage exclusif, continu et public du bien immobilier commun, par le propriétaire du lot, pendant au moins trente ans.

Nous sommes alors dans le cadre de la prescription acquisitive, définie par les articles 2258 et suivants du Code civil.

Ce droit de jouissance privatif d’un lot, revendiqué par le jeu de la prescription trentenaire, est différent du droit de jouissance rattaché à la qualité de copropriétaire.

II. Acquisition par prescription du droit de jouissance exclusif sur une partie commune

La Cour de Cassation, dans son arrêt du 18 janvier 2018  n°16-16950, a recherché si les éléments nécessaires pour obtenir une acquisition par prescription étaient réunis.

La réponse est négative, comme on peut le constater à la lecture de l’arrêt :

« Attendu que, pour accueillir cette demande, l’arrêt retient…d’autre part, que la cession incluait nécessairement le droit de jouissance sur les jardins attenants aux lots…sur lesquels ils disposent d’un accès privatif direct ;

Qu’en statuant ainsi, alors que la jouissance des parties communes attachée à la qualité de copropriétaire est distincte du droit de jouissance exclusif attaché à un lot, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;

Par ces motifs, Casse et Annule, mais seulement en ce qu’il dit que les époux H. ont acquis par voie d’usucapion un droit réel et perpétuel de jouissance exclusive sur une partie commune dénommée ‘jardins sur l’A.’… »

Il en résulte qu’à défaut de stipulation conventionnelle, et d’une occupation exclusive incontestable, l’acquéreur d’un lot contigu d’un jardin ou d’une cour, ne peut en revendiquer l’usage privatif par la prescription trentenaire obtenue.

Mettre en avant la simple addition de ses propres années d’occupation de cette partie commune, à celles déjà faites par son vendeur et l’entretien apporté, ne suffit pas.

Si un copropriétaire peut revendiquer une jouissance exclusive sur une partie commune, y compris en faisant jouer le délai d’occupation de celle-ci par le précédent copropriétaire, ce privilège implique un droit incontestable et continu, résultant à titre principal d’une clause conventionnelle.

Le droit d’usage privatif d’une partie commune n’est pas assimilable au droit de propriété

Catégories Définition des parties communes et privatives Travaux privatif affectant les parties communes
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
23 janvier 2020 (18-24.676)
Principe retenu

Tous travaux effectués sur une partie commune même si l'on détient un droit de jouissance exclusif sur cette partie, doivent être autorisés par l'assemblée générale. 

Analyse de la décision

La distinction entre parties communes et lots privatifs est le fondement du droit de la copropriété. De cette distinction découle les différentes règles à appliquer pour respecter le droit de la copropriété et celui des copropriétaires.

Cette différence peut être plus difficile à appréhender lorsque le règlement de copropriété accorde à certains copropriétaires un droit de jouissance privatif sur une partie commune. L’arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 23 janvier 2020 (pourvoi 18-24 676) nous éclaire sur ce sujet.

  1. Le droit d'usage privatif d’une partie commune ne modifie par le caractère de la partie commune

Un règlement de copropriété prévoit que les propriétaires d’un lot disposent d’un droit à jouissance privatif d’une partie commune : le jardin. Ils y ont construit un abri de jardin sans demander l’autorisation des copropriétaires en assemblée générale, considérant qu’ils pouvaient jouir de la partie commune selon les mêmes règles relatives au lot privatif.

Il n’est pas rare que les règlements de copropriété prévoient ce genre de dispositif, c’est souvent le cas lorsque des copropriétaires sont les seuls à pouvoir accéder à certaines parties communes tel qu’un jardin.

La question se pose alors de savoir si le droit d’usage privatif sur une partie commune modifie la qualité juridique de cette partie et de ce fait les règles la régissant.

D’autant que la Cour d’appel avait considéré qu’en ayant la jouissance exclusive d’une partie commune, ils peuvent jouir de cette partie commune selon les conditions prévues pour les parties privatives.

Or, la Cour de cassation tranche cette question de manière non équivoque en considérant que « l’attribution d’un droit d’usage privatif sur une partie commune ne modifie pas le caractère de la partie commune ».

Autrement dit, le droit d’usage privatif n’étant qu’un droit qui permet d’user d’un bien sans en être propriétaire, il ne peut pas être assimilé à un droit de propriété. La partie commune même à usage exclusif d’un ou plusieurs copropriétaires n’appartient pas à un ou des copropriétaires déterminés, mais bien à l’ensemble des copropriétaires. De sorte que les règles applicables sont celles relatives aux parties communes figurant dans le règlement de copropriété.

  1. Tous travaux effectués sur une partie commune même si l’on détient un droit d’usage privatif doivent être autorisés par l’assemblée générale

Les copropriétaires ont construit un abri de jardin sur la partie commune dont ils ont la jouissance à titre privatif, sans autorisation préalable de l’assemblée générale. L’assemblée générale a alors refusé de donner l’autorisation aux copropriétaires pour la construction de l’abri de jardin (a posteriori) et a demandé la remise en état des lieux.

Or, lorsque les copropriétaires sont titulaires d’un droit de jouissance à titre privatif d’une partie commune, ils ne peuvent effectuer que des menus opérations de maintenance. Pour le reste, notamment pour la construction d’un bien, ils doivent obligatoirement obtenir au préalable l’accord des copropriétaires qui se caractérise par un vote favorable en assemblée générale.

C’est donc à bon droit que l’assemblée générale a rejeté la demande des copropriétaires. En effet, toute atteinte à une partie commune, constitue un préjudice pour chaque copropriétaire, dans la mesure où il est également copropriétaire indivisaire de la partie commune. De ce fait, il paie une quote-part de charges communes et doit donc voter sur toute modification, construction, transformation d’une partie commune.

Cette constitution portant atteinte aux parties communes, le syndicat des copropriétaires peut donc assigner en Justice les copropriétaires dans la mesure où il s’agit de sauvegarder un droit afférent à l’immeuble.

Dès lors, la construction de l’abri de jardin constitue une atteinte aux parties communes qui confère ainsi qualité au syndicat des copropriétaires fautifs à demander la remise en l’état des lieux dont découle la démolition des lieux.

La Cour de cassation le rappelle d’ailleurs expressément, « Les parties communes d’un immeuble en copropriété, même grevées d’un droit de jouissance exclusif bénéficiant à l’un des copropriétaires, ne peuvent pas faire l’objet de travaux sans autorisation de l’assemblée générale ».

Installation d’un ballon d’eau chaude privatif dans les combles, parties communes peut s’analyser en un droit de jouissance exclusif de celles-ci au profit d’un lot et relever en conséquence de la double majorité de l’article 26

Catégories Ordre du jour Travaux privatif affectant les parties communes
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
26 mars 2020 (19-10210)
Observations

Jurisprudence constante. 

Principe retenu

Lorsqu'un copropriétaire souhaite installer un équipement privatif dans les parties communes cela s'apparente à accorder un droit de jouissance privatif. 

Analyse de la décision

Le syndicat est régulièrement confronté à des sollicitations individuelles de travaux sur les parties communes par un copropriétaire.

Le syndicat se doit dans ce cas, d’identifier précisément le droit envisagé au profit du demandeur. En cas de qualification erronée, la résolution de l’assemblée générale illicite s’expose à une action judiciaire en annulation de la part de tout copropriétaire opposant ou défaillant, comme le rappelle la cour de cassation dans un récent arrêt du 26 mars 2020.

I. Ballon d’eau privatif dans les combles parties communes : autorisation de l’assemblée générale impérative

En l’espèce, une résidence en copropriété située dans le 10ème arrondissement de Paris est composée de plusieurs bâtiments, de 5 étages, ainsi que des combles parties communes au 6ème et dernier étage.

Les détenteurs d’un lot n° 13 se trouvant dans le bâtiment A au 5ème étage souhaitent installer dans les combles un ballon d’eau chaude privatif.

Dans la mesure où l’aménagement escompté affecte les parties communes, ils doivent requérir l’autorisation de l’organe décisionnaire du syndicat des copropriétaires, son assemblée générale (art. 17 de la loi du 10 juillet 1965).

Ils obtiennent l’aval de la collectivité moyennant par une résolution n° 21 d’une assemblée générale du 31 janvier 2013, soumise à la majorité des voix du syndicat des copropriétaires, dans la mesure où ils assimilent l’opération envisagée aux travaux affectant les parties communes (prévus par l’alinéa b de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965).

Un couple de propriétaires défaillants (absents non représentés à l’assemblée générale) contestent la régularité des diverses décisions dont la numéro 21 relative à la pose du ballon d’eau chaude dans les combles parties communes au bénéfice du lot n° 13 et sollicitent en conséquence leur nullité en assignant le 9 avril 2013 le syndicat, représenté par le syndic, auprès du T.G.I. de Paris.

Le jugement n° 13 - 05302 du 3 juillet 2015 de cette juridiction rejette cette requête, confirmé par un arrêt n° 15 - 16794 de la cour d’appel de Paris du 13 décembre 2017.

Ces deux propriétaires décident alors de se pourvoir en cassation.

II. Ballon d’eau chaude privatif dans les combles parties communes : majorité requise de l’assemblée générale

Le couple de propriétaires défaillants soulève devant la cour de cassation le même argumentaire juridique. Ils considèrent notamment que la résolution n° 21 de l’assemblée générale est illégale, en raison d’une qualification erronée de la demande du propriétaire aboutissant à l’application d’une majorité inexacte.

En effet, la requête du propriétaire ne se résume pas selon eux à une simple autorisation de travaux affectant les parties communes relevant effectivement de la majorité de l’article 25 de la loi du 10 juillet 1965, mais à un droit de jouissance exclusif de celles-ci (combles) au profit de son lot correspondant à un acte de disposition soumis dans ce cas à la double majorité de l’article 26 de la même loi.

Dans son arrêt n° 19 - 102010 du 26 mars 2020, les juges n’ont d’autre choix que de faire droit à ce recours par une interprétation littérale de la décision n° 21 de l’assemblée générale, fondée sur une confusion juridique manifeste du syndicat au profit des propriétaires du lot n° 13 du 5ème étage du bâtiment A quant à la fixation de leur ballon d’eau chaude privatif dans les combles parties communes : " …Qu'en statuant ainsi, alors que la décision n° 21 prise lors de l'assemblée générale du 31 janvier 2013 accordait, aux deux copropriétaires qui avaient sollicité cette délibération, la jouissance exclusive des combles situés au-dessus du lot 13, ce dont il résultait que la décision devait être prise à la majorité prévue à l'article 26 de la loi précitée, la cour d'appel, qui a dénaturé le procès-verbal d'assemblée générale, a violé les textes et le principe susvisés ;"

Le président de séance, sur les éventuelles recommandations du syndic, se doit de procéder à une juste qualification juridique des questions inscrites à l’ordre du jour de l’assemblée générale, afin de déterminer avec exactitude la majorité appropriée pour leur adoption.

A défaut, la résolution entérinée encourt une action légitime en nullité introduite par tout copropriétaire opposant ou défaillant, en principe dans le délai de deux mois suivant la notification de son procès-verbal par le syndic.  

Dépassement de budget : la Cour de Cassation vole enfin au secours des copropriétaires et sanctionne les syndics

Catégories Inexécution ou mauvaise exécution du mandat de syndic / responsabilité du syndic Comptabilité
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
07 février 2012 (11-11.051)
Observations

Arrêt révolutionnaire. 

Principe retenu

Le syndic peut être tenu pour responsable en cas de dépassement d'un budget voté pour la réalisation de travaux. 

Analyse de la décision

I. Les copropriétaires face à la toute puissance des syndics

Nous le disons et le redisons : l’une des plaies majeures de la copropriété vient de ce que les syndics ne sont pratiquement JAMAIS sanctionnés pour leurs fautes parce qu’ils arrivent, quatre vingt dix fois sur cent, à faire ratifier celles-ci par des assemblées générales dans lesquelles chacun sait à quel point il est facile de faire pression et - à défaut - d’exercer des manipulations (pouvoirs, mandats de gestion, complicité de certains, passivité des autres, isolement de quelques « combatifs »).

II. Un arrêt de la Cour de Cassation qui va remettre de l’ordre

En effet, la Cour de Cassation vient remettre un peu d’ordre dans cette situation inadmissible où le droit n’existe plus et où le syndic tout puissant fait sa loi.

En l’espèce, un syndic du Groupe Foncia avait cru bon de commander pour 33 570,10 euros de travaux d’ascenseurs, en exécution d'une décision d'assemblée générale ayant voté les travaux, de manière peu claire au demeurant, pour la somme de 23 100 euros.

Le copropriétaire plaignant réclamait la somme de 853,31 €, soit sa quote-part de la différence.

Or la Cour de Cassation vient de décider le 7 février 2012, ce qui est une révolution dans le petit monde de la copropriété, que « le syndic est responsable, à l'égard des copropriétaires, sur le fondement quasi délictuel, de la faute qu'il a commise dans l'accomplissement de sa mission », et peut donc devoir réparation à l’égard de chaque copropriétaire du préjudice subi par le dépassement d’un budget voté.

Ainsi, la Cour de cassation a écarté l’objection de l’absence de lien contractuel entre le syndic et chacun des copropriétaires individuels : le préjudice individuel ne s’efface pas devant le préjudice collectif non revendiqué.

La lecture de l’arrêt (pas très long) est extrêmement intéressante, car il rappelle quelques notions un peu tombées en désuétude, telles que l’obligation de réparation d’un préjudice même individuel, le devoir de conseil du syndic, la déontologie des syndics, la rigueur de rédaction des résolutions, l’entretien, la sauvegarde et l’urgence.

III. Au-delà du problème des travaux, celui du dépassement des budgets

En ce qui concerne les dépassements budgétaires, que remarquons-nous ?

Il suffit aux syndics soit de faire entériner leur mauvaise gestion par une assemblée générale manipulée soit carrément de mépriser ladite assemblée en répartissant les comptes sans approbation.

Nos contrôleurs de comptes et de gestion, qui assistent les conseils syndicaux motivés pour contrôler les comptes de leurs copropriétés, le dénoncent régulièrement.

Là encore l’arrêt du 7 février 2012 pourrait rappeler aux syndics leur DEVOIR, en particulier celui de RESPECTER le budget voté et de ne le dépasser que pour des raisons LÉGITIMES.

Ainsi, l’époque du profond mépris des syndics professionnels à l’égard des copropriétaires quand il leur est présenté des comptes avec des déficits importants est sans doute révolue : désormais, n’importe quel copropriétaire insensible aux raisons exposées pour justifier ce qui n’est rien d’autre qu’avoir outrepassé le mandat reçu, pourra demander au syndic d’assumer sa faute de gestion.

Et comme les syndics professionnels ne sont sensibles qu’à ce qui leur coûte, on peut penser que désormais les gestionnaires auront pour consigne de faire très attention au respect des budgets votés…

En conclusion, si votre syndic adore dépasser les budgets votés (de travaux ou d’opérations courantes), faites-lui lire cette décision de Cassation

Le syndicat peut requérir l’interdiction en son sein d’un bar/discothèque sonore

Catégories Expertise
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour d’appel de Chambéry 12 octobre 2023,
Référence
n° 22 - 01843
Observations

Le syndicat peut requérir l’interdiction en son sein d’un bar/discothèque sonore

Analyse de la décision

Le bruit, trouble commun aux copropriétés, comporte des origines variées (résidents, professionnels ou commerçants). En l’absence de solution amiable, le syndicat n’a d’autre choix que de solliciter judiciairement l’interruption de cette nuisance.

Un arrêt du 12 octobre 2023 de la cour d’appel de Chambéry rappelle les conditions nécessaires à cette fin.

I - La cessation de l’activité commerciale sonore est conditionnée à la preuve des désordres

Un immeuble savoyard est confronté au bruit d’un local en rez-de-chaussée loué et exploité en bar/discothèque.

Du fait de divergences sur l’effectivité de ces désordres, le syndicat sollicite une expertise judiciaire destinée principalement à les constater.

Suite aux conclusions de l’expertise (seuil excessif empêchant le sommeil des résidents, carence d’autorisation administrative pour cette activité), le syndicat poursuit en référé le bailleur et son preneur en interdiction de cette exploitation.

Le syndicat, via son syndic, est compétent en la matière. En effet, son objet consiste à veiller au respect par tous (propriétaires et locataires) des articles 9 et 15 de la loi du 10 juillet 1965, à savoir :

  • du droit des autres occupants de jouir tranquillement de leur lot et des parties communes ;
  • de la destination de l’immeuble (standing).

Le tribunal judiciaire de Thonon-les-Bains, dans son ordonnance n° 22 - 00255 du 11 octobre 2022, fait droit à cette demande du syndicat, au regard des preuves incontestables de son préjudice. La cour d’appel de Chambéry confirme cette décision, par un arrêt n° 22 - 01843 du 12 octobre 2023.

 II - La responsabilité du bailleur est réduite pour les infractions ignorées de son preneur

Dans cette procédure le syndicat assigne le preneur contrevenant ainsi que le propriétaire du lot.

En ce qui concerne l’occupant, le syndicat peut agir contre l’auteur des faits, en vue de la cessation de son préjudice et en indemnisation de celui-ci (art. 1240 du Code civil).

S’agissant du possesseur du local, cette démarche se justifie doublement. D’une part, il lui appartient en tant que membre du syndicat de se conformer aux prescriptions légales d’usage paisible de son bien.

D’autre part, il doit s’employer au respect par son locataire des dispositions légales et répondre dans la négative de ses fautes dommageables à l’égard des victimes (art. 1242 du Code civil).

Le propriétaire s’évertue à minorer sa responsabilité pour les nuisances invoquées. Il se fonde sur l’objet du bail « salon de thé » et sa méconnaissance initiale à son infraction par son preneur.

Dans son ordonnance du 11 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Thonon ordonne la condamnation in solidum de ces deux parties. Autrement dit, le syndicat se trouve en capacité de requérir indistinctement de l’une d’elles le paiement de l’intégralité de la pénalité judiciairement consentie.

La cour d’appel de Chambéry, dans son arrêt du 12 octobre 2023, réforme partiellement cette décision au regard de la bonne foi du propriétaire au moment de l’assignation. En conséquence, le preneur doit le garantir.

Cela signifie, que le preneur supportera en définitive les indemnités prononcées à l’encontre de son bailleur.

Tout occupant d’un lot doit se conformer à toutes les dispositions juridiques impératives, qu’elles soient légales, réglementaires ou conventionnelles.

A défaut, il encourt, comme son propriétaire (en cas de bail) une action judiciaire du syndicat destinée à proscrire la violation et la réparation de son préjudice. 

Le syndicat des copropriétaires doit prouver la réalité de la créance d’un copropriétaire

Catégories Impayés
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
n° 21-19.980
Observations

Observation : Rappel du principe de droit selon lequel il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen

Principe retenu

Principe retenu : un syndic qui engage une action contre un copropriétaire débiteur a la charge de rapporter la preuve de la réalité de la créance et doit produire tout document ou justificatif, le juge en appréciant ensuite souverainement la force probante.

Analyse de la décision

Nous allons aborder ici un cas assez classique, que nombre de copropriétaires ont rencontré, et qui souvent s’avère inextricable.

Entre dialogue de sourds avec un syndic qui raisonne mécaniquement et réel préjudice du copropriétaire, c’est le sort d’un solde débiteur reporté année après année sur son compte individuel, sans que son origine ne soit clairement identifiée, que la Cour de cassation a dû traiter, dans un arrêt du 28 septembre 2022 (CIV 3, 28 septembre 2022, N°21-19.980).

I - Le solde de charges en impayé repris sur un compte de copropriétaire au fil des ans

C’est un arrêt qui va permettre de remettre les pendules à l’heure et pousser les syndics à la plus grande minutie dans le suivi des comptes individuels de copropriétaires.

a) Les faits

Tout commence avec une somme de 397 € qui apparaît au débit du compte de copropriétaire de Monsieur O.

Ce dernier refusant visiblement de payer à l’aveugle ce qui lui est réclamé, le syndic saisit le tribunal judiciaire d’Annecy dans le but de faire condamner Monsieur O. au paiement de cet arriéré.

Le jugement est rendu le 12 avril 2021 en dernier ressort. Cela signifie que si l’une des deux parties à l’instance souhaite contester la décision rendue, elle n’aura d’autre choix que de se pourvoir directement en cassation (sans connaître l’étape de la Cour d’Appel).

b) Un jugement assez conciliant pour le syndic

Le juge d’Annecy accepte de reconnaître l’existence de la créance du syndicat des copropriétaires sur la base d’un relevé de compte de charges, de procès-verbaux d’assemblée générale et des lettres de mise en demeure produits à l’instance.

Ainsi, « pour faire droit à la demande en paiement d’un arriéré de charges dirigée à son encontre, le tribunal a relevé que le syndicat des copropriétaires versait aux débats un relevé de propriété du 16 octobre 2020, le relevé de compte de charges arrêté au 29 janvier 2021, les mises en demeure de payer des 12 août et 30 octobre 2020 et les procès-verbaux d’assemblée générale des 3 mai 2018 et 19 juin 2019, »

Sur la base de ces documents, qui correspondent globalement à des synthèses comptables et des courriers, le juge de première instance considère que le syndicat des copropriétaires « apporte la preuve du bien-fondé de sa demande en paiement ».

Mais ceci est sans compter sur la pugnacité de Monsieur O. qui tient bon et se pourvoit en cassation, là où d’autres auraient sûrement abandonné au vu du montant en jeu (397 euros rappelons-le) et des frais de justice à engager.

II - La cour de cassation sanctionne l’incertitude de la créance

a) Les décomptes de charges et procès-verbaux d’assemblée ne sont pas suffisants

La Cour de cassation profite de l’affaire portée devant elle pour rappeler des notions fondamentales, balayant par là-même le raisonnement tenu par le Tribunal judiciaire.

Les hauts magistrats commencent par reprendre les justificatifs soumis à l’appréciation du premier juge, les disqualifiant un par un.

Le décompte et les relances ne sont pas des preuves de la réalité de la créance et « Il incombe au syndicat des copropriétaires, qui poursuit le recouvrement de charges de copropriété, de produire les documents comptables relatifs aux périodes concernées » pour réellement établir la preuve de la créance.

Il faut donc que le syndic démontre d’où vient la somme réclamée, de quoi elle se compose effectivement : est-ce une quote-part de budget prévisionnel non-payée ? Est-ce une régularisation de charges d’un exercice comptable ? Si oui, lequel ?

Pour la Cour de cassation, le procès-verbal de l’assemblée générale ayant approuvé les comptes est encore moins un justificatif valable.

Elle rappelle en effet le principe posé par l’article 45-1 du décret du 17 mars 1967 qui précise que « Les charges sont les dépenses incombant définitivement aux copropriétaires, chacun pour sa quote-part. L'approbation des comptes du syndicat par l'assemblée générale ne constitue pas une approbation du compte individuel de chacun des copropriétaires. »

Dès lors, un copropriétaire peut toujours agir pour faire corriger une erreur de répartition des charges par le syndic (dans la limite de cinq ans).

b) La Cour rappelle les principes de droit commun

La Cour de cassation rappelle un principe de droit issu du code civil (articles 1353 et 1358) selon lequel il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Cette preuve peut être rapportée par tout moyen.

Cela signifie qu’un syndic qui engage une action contre un copropriétaire débiteur a la charge de rapporter la preuve de la réalité de la créance et peut produire tout document ou justificatif, le juge en appréciant ensuite souverainement la force probante.

Un simple relevé de compte de copropriétaire peut en effet mentionner une somme débitrice, mais cette mention ne permet pas d’en prouver la réalité. Des documents de synthèse comptable ne sont pas des preuves d’une dette.

Il faut détenir des documents qui permettent d’expliquer, sans équivoque, l’origine de la somme réclamée.

Les enseignements à tirer de cette décision de justice sont nombreux et doivent servir de gouvernail tant au syndic qu’au conseil syndical en charge du contrôle de la gestion du syndicat des copropriétaires.

Tout d’abord, si le syndic n’est pas en mesure de remonter à l’origine d’un débit de charges pour un copropriétaire, il n’y a pas d’autre solution que… d’effacer la dette !

Parallèlement, le conseil syndical pourra réfléchir à engager la responsabilité contractuelle du syndic et sanctionner sa mauvaise gestion comptable de la copropriété : la réduction des honoraires, voire la résiliation de son mandat sont ici à envisager.

Dans le même sens, si l’origine de la créance n’est pas traçable, et donc non-justifiée, le syndic ne doit pas se contenter d’effacer cette dette, mais il doit veiller à effacer aussi les frais de relance et de mise en demeure imputés à ce copropriétaire qui n’est finalement pas débiteur !

Car il n’est pas question ici que le syndicat des copropriétaires supporte de quelconques frais ou, pire, des honoraires de syndic pour des démarches visant à recouvrer une créance fantôme !

Rappelons enfin qu’une somme portée au débit d’un compte de copropriétaire de manière abusive peut causer un préjudice à ce dernier qu’il pourra vouloir chercher à faire réparer par voie de justice.

En effet, ce copropriétaire pourrait se voir entravé dans son projet de vente d’un lot si une dette est mentionnée sur l’état daté fourni au notaire. Le syndicat des copropriétaires s’expose donc à un risque de procédure et de versement de dommages-intérêts au copropriétaire.

Cet arrêt sonne donc comme un rappel aux syndics d’avoir l’exigence d’une bonne tenue de la comptabilité.