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Convocation à l’assemblée générale et changement d’adresse d’un copropriétaire

Catégories Convocation Missions du syndic
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
28 mars 2019 (18-12.579)
Observations

Jurisprudence constante de la Cour de cassation. 

Principe retenu

Le syndic ne commet pas de faute s'il envoie la convocation à la dernière adresse connue et l'assemblée générale ne peut être annulée sur ce fondement. 

Il appartient donc au copropriétaire de faire toutes les démarches nécessaires en cas de changement d'adresse. 

Analyse de la décision

En tant que décisionnaires au sein de la copropriété, tous les copropriétaires doivent être en mesure de pouvoir participer aux décisions d’assemblée générale.

La loi du 10 juillet 1965 impose donc des règles précises pour la convocation, en termes de délai et de formalisme à respecter.

C’est le syndic qui est chargé d’envoyer à tous les copropriétaires, sans exception, les convocations d’assemblée générale.

Pour le cas de l’assemblée spéciale, nouveauté introduite par la loi ELAN, seuls les copropriétaires concernés sont convoqués : voir notre article arc-copro.fr/documentation/loi-elan-une-possibilite-dassemblee-generale-speciale-pour-les-parties-communes

Une difficulté peut se poser en cas de changement d’adresse, notamment si le syndic n’en était pas informé.

I. La convocation est régulière lorsqu’elle est faite au dernier domicile notifié au syndic

Dans un arrêt du 28 mars 2019 (n° 18-12579), la Cour de cassation est venue rappeler le principe constant applicable en la matière : la convocation du copropriétaire est valablement faite au dernier domicile notifié au syndic.

Ce principe figure à l’article 65, alinéa 2, du décret du 17 mars 1967.

La question se posait ici car la convocation d’une copropriétaire était revenue avec la mention NPAI (N’habite Pas à l’Adresse Indiquée).

La Cour de cassation casse la décision de la Cour d’appel, lui reprochant de ne pas avoir recherché « si ces lettres avaient été adressées au domicile notifié au syndic » par la copropriétaire.

Autrement dit, le syndic remplit son obligation dès lors qu’il a adressé la convocation par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au dernier domicile dont il a eu « officiellement » connaissance.

Si la convocation d’un copropriétaire revient en NPAI parce qu’il n’a pas informé le syndic de sa nouvelle adresse, l’assemblée générale ne peut pas être annulée pour ce motif.

II. L’importance de notifier au syndic tout changement d’adresse

L’article 65 du décret de 1967 oblige tout copropriétaire, usufruitier ou nu-propriétaire à notifier au syndic « son domicile réel ou élu ainsi que son adresse électronique, s'il a donné son accord pour recevoir des notifications et mises en demeure par voie électronique ».

Le syndic, quant à lui, est tenu d’adresser la convocation en respectant le formalisme et les délais légaux, mais sans avoir à s’assurer que les adresses des copropriétaires sont à jour.

En cas de litige, il appartient au syndic de prouver que la convocation a été faite de manière régulière. Plusieurs décisions de justice vont en ce sens, par exemple un arrêt de la 3ème chambre civile de la Cour de cassation du 9 novembre 1984.

Mais le syndic qui a respecté ce formalisme n’a pas l’obligation de rechercher l’adresse réelle du copropriétaire si une notification lui est retournée avec la mention NPAI (arrêt de la Cour d’appel de Versailles, 4ème ch., du 29 mai 2012, n° 11/04944).

La situation est différente dans le cas où il aurait commis une erreur dans l’adresse (voir par exemple l’arrêt de la Cour d’appel de Paris, 23e chambre B, du 1er mars 1996, n° 95/021975), car à ce moment-là, la notification serait irrégulière et l’assemblée générale pourrait être annulée.

Une précision importante : le fait d’indiquer ses nouvelles coordonnées en signature d’un courrier adressé au syndic ne suffit pas : il faut que le courrier ait pour objet le changement d’adresse (arrêt de la Cour de cassation, 3ème civ., du 11 mai 2004, n° 03-10637).

Il est donc primordial de bien informer le syndic de tout changement de domicile et de le faire au plus vite, afin d’éviter que des décisions ne soient prises en assemblée générale sans qu’on ait pu y participer et sans pouvoir la faire annuler pas la suite.

Même si elle est contraire au règlement de copropriété, une décision d’assemblée générale non contestée dans le délai légal devient définitive et doit s’appliquer

Catégories Non-respect du règlement de copropriété Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
16 mars 2017 (15-22.185)
Observations

Principe fondamental du droit de la copropriété, réaffirmé par cet arrêt de la Cour de cassation. 

Principe retenu

Si une décision d'assemblée générale n'est pas contestée, elle s'applique même si elle est contraire au règlement de copropriété. 

Analyse de la décision

Aussi surprenant que cela puisse paraître, une décision d’assemblée générale même irrégulière s’impose aux copropriétaires dès lors qu’elle n’a fait l’objet d’aucune contestation en justice dans les délais impartis, à savoir 2 mois à compter de la notification du procès-verbal d’assemblée générale (article 42, alinéa 2 de la loi de 1965).

De nombreux copropriétaires sont réticents à saisir un juge dans le cadre de litiges liés à la copropriété ou à certaines décisions.

Cette position de la jurisprudence est l’un des principes fondamentaux à connaître en matière de copropriété, pour savoir à quel risque s’exposent les copropriétaires qui laisseraient le délai de 2 mois courir et expirer sans avoir entrepris aucune action judiciaire.

Or, bien souvent, ils peuvent – de bonne foi – penser que de simples discussions ou démarches amiables par courrier (même recommandé) peuvent permettre de remettre en question des décisions votées en assemblée, ce qui n’est pas le cas.

En effet, tant qu’une délibération n’a pas été annulée par un juge, elle doit être exécutée et le syndic est tenu d’en assurer le respect (article 18 de la loi de 1965). Un arrêt de 1987 avait déjà posé ce principe (Cass, 3e civ., 29 avril 1987, n° 85-18656).

L’arrêt de 2017 précise clairement que même contraire au règlement de copropriété, une décision d’assemblée générale non contestée dans le délai imparti doit être exécutée car devenue définitive au terme de ce délai.

Les copropriétaires doivent donc bien prêter attention aux situations où un copropriétaire souhaiterait obtenir une décision d’assemblée en sa faveur (telle qu’une autorisation de travaux ou un droit de jouissance particulier sur une partie commune) alors qu’elle contreviendrait au règlement de copropriété ou à une précédente décision d’assemblée.

Ce pourrait être une prise de risque « payante » pour lui si la résolution est adoptée et devient définitive faute de contestation dans les temps.

Dans cette affaire, l’assemblée générale avait autorisé les copropriétaires à entreposer leurs vélos dans la cour intérieure de l’immeuble, alors que le règlement de copropriété l’interdisait.

Un copropriétaire a donc assigné le syndicat des copropriétaires et le syndic pour faire retirer tout objet déposé dans la cour et pour obtenir une indemnisation de son préjudice de jouissance.

La Cour d’appel de Versailles a donné droit à sa demande, en se fondant sur les stipulations du règlement de copropriété, qui s’imposait à tous les copropriétaires à partir du moment où elles n’ont pas été annulées ou abrogées. Pour la Cour d’appel, le syndicat et le syndic engageaient leur responsabilité vis-à-vis des copropriétaires dans la mesure où le règlement de copropriété n’avait pas été modifié au préalable et où il devait recevoir application.

L’arrêt d’appel est cassé.

La Cour de cassation considère, en effet, que le copropriétaire ne peut pas agir en responsabilité à l’encontre du syndicat et du syndic, alors qu’il aurait dû, s’il voulait remettre en cause la décision d’assemblée votée, la contester en justice dans le délai légal de 2 mois.

Faute d’action dans ce délai, la décision, même irrégulière, est devenue définitive et s’imposait à tous.

Seul un copropriétaire peut contester une décision d’assemblée générale

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
04 novembre 1977 (76-10.847)
Observations

La Cour de cassation pose sa jurisprudence avec cet arrêt. 

Principe retenu

Seul un copropriétaire opposant ou défaillant peut contester une décision. 

Analyse de la décision

Là encore, nous sommes sur un principe bien établi et depuis longtemps : seul un copropriétaire peut saisir le juge pour contester une décision d’assemblée générale.

Dans le cas où une personne autre qu’un copropriétaire agirait sur ce fondement, le juge déclarerait son action irrecevable et ce motif serait suffisant pour rejeter d’emblée sa demande, sans examen sur le fond de cette demande.

Le principe peut paraître évident mais plusieurs décisions de justice ont dû se prononcer pour le rappeler (Tribunal de Grande instance de Marseille, 27 mai 1977, JCP éd. N 1980, II, n° 72 ; CA de Paris, 14e ch. A, 18 janvier 2006, n° 05/11561 ; Cass., 3e civ., 15 février 2006, n° 05-10471 ; CA de Paris, 14e ch. B, 12 octobre 2007, n° 07/05121).

Par exemple, ne peuvent contester les décisions d’assemblée ni le vendeur d’un lot en ce qui concerne les décisions postérieures à la vente, ni le locataire d’un lot, ni le syndicat des copropriétaires, ni des tiers tels que les promoteurs… ni même le syndic qui souhaiterait contester sa propre révocation !

Une précision importante : seul un copropriétaire « opposant ou défaillant » peut contester une résolution d’assemblée générale. L’opposant est celui qui a voté « contre » une résolution adoptée en assemblée ou bien « pour » une résolution rejetée en assemblée. Le copropriétaire défaillant est celui qui n’était ni présent, ni représenté à l’assemblée.

La jurisprudence a eu l’occasion d’apporter une autre précision, à savoir qu’un copropriétaire ne peut pas solliciter l’annulation d’une assemblée générale dans son intégralité s’il a approuvé certaines de ses décisions. S’il était présent à l’assemblée, il ne pourrait la contester qu’en ayant rejeté intégralement les résolutions, auquel cas il serait considéré effectivement comme « opposant » (Cass., 3e civ., 7 septembre 2011, n° 10-18312 ; Cass., 3e civ., 24 mars 2015, n° 13-28799).

Une décision d'assemblée générale peut être annulée pour abus de majorité

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
17 décembre 2014 (13-25.134)
Observations

Cette jurisprudence clarifie la définition d'abus de majorité. 

Principe retenu

L'abus de majorité est caractérisé dès lors que la prise de décision est contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou qu'elle a été prise dans le sel but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires. 

Analyse de la décision

Selon la formule consacrée, l’assemblée générale des copropriétaires est l’organe souverain en copropriété.

C’est au sein des assemblées que sont prises la plupart des décisions affectant les copropriétaires, hormis les cas de jouissance purement privative des lots et les quelques pouvoirs d’initiative du syndic (travaux urgents, gestion du personnel de la copropriété…).

Si le vote des décisions respecte un principe démocratique de majorité – quoiqu’adapté à la spécificité des copropriétés puisque différentes majorités existent – celui-ci souffre bien souvent de difficultés pratiques, liées parfois à l’absentéisme, parfois également à des situations de blocage.

C’est le cas notamment de la position majoritaire ou influente d’un ou plusieurs copropriétaires qui, par l’importance de leurs lots et donc de leurs voix, peuvent abuser de leur position pour obtenir des décisions uniquement à leur avantage ou bloquer des décisions qui ne leur conviendraient pas.

L’incidence est d’autant plus grande que la copropriété est petite. L’influence d’un copropriétaire peut s’avérer considérable.

D’abord, par souci d’équité, la loi prévoit une réduction des voix en cas de copropriétaire majoritaire : « lorsqu'un copropriétaire possède une quote-part des parties communes supérieure à la moitié, le nombre de voix dont il dispose est réduit à la somme des voix des autres copropriétaires » (article 22, alinéa 2 de la loi de 1965).

Ceci dit, les décisions les plus courantes sont prises à la majorité simple de l’article 24 de la loi de 1965 (majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés), notamment pour ce qui concerne les travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble. Les copropriétaires disposant d’un nombre de voix important peuvent donc facilement influencer les prises de décision surtout en cas d’absentéisme important en assemblée.

De la même manière, ils peuvent bloquer les décisions impliquant une majorité renforcée.

Dans cette affaire, un copropriétaire avait demandé une autorisation en AG afin de faire de son habitation un local professionnel, autorisation refusée par l’assemblée.

La Cour d’appel a annulé la décision dans la mesure où le changement de destination du lot respectait la destination de l’immeuble, le règlement de copropriété et les droits des autres copropriétaires, de sorte que le refus de l’assemblée était abusif.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel et juge que la Cour d’appel, pour pouvoir considérer la délibération comme abusive et l’annuler, devait caractériser l’abus de majorité, qui obéit à certains critères.

Ainsi, une décision d’assemblée est abusive si elle est « contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou avait été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires ».

Autrement dit, ce n’est pas parce que le copropriétaire qui sollicite l’autorisation de l’assemblée a des arguments valables pour l’obtenir qu’il peut faire annuler le refus de sa demande. Tout refus d’autorisation d’une assemblée à un copropriétaire n’est pas en soi abusif.

 

La Cour d’appel ne devait pas rechercher en quoi la demande de ce copropriétaire était justifiée, mais plutôt en quoi l’assemblée avait commis un abus en la rejetant.

 

Pour que le refus constitue un abus de majorité, il faut donc, soit que la décision contrevienne aux intérêts collectifs des copropriétaires, soit qu’elle n’ait eu pour objectif que de privilégier les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires.

 

C’est au copropriétaire demandeur d’en apporter la preuve.

 

Par exemple, la Cour de cassation a déjà jugé que le refus de l’assemblée d’autoriser des travaux sans motif valable, refus qui mettait en péril une partie commune de l’immeuble, constituait un abus de majorité (Cass., 3e civ., 11 janvier 1984, RDI 1984, 450).

Dès lors qu’une décision a été votée à la bonne majorité, l’erreur de majorité mentionnée sur le procès-verbal n’est pas une cause de nullité de la délibération

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
05 juillet 2011 (10-20.743)
Observations

Concernant le vote de la suppression du vide-ordures, la réforme de l'ordonnance du 30 juin 2019 est venue apportée une précision. 

La suppression du vide-ordures pour des impératifs d'hygiène se vote à la majorité de l'article 24 de la loi du 10 juillet 1965 (majorité des copropriétaires présents, représentés ou ayant voté par correspondance). 

Principe retenu

La majorité mentionnée sur le procès-verbal n'a aucune incidence sur l'assemblée générale tant que la décision a requis la majorité exigée par la loi.

Analyse de la décision

Dans cette affaire, l’assemblée générale des copropriétaires avait voté la condamnation d’un vide-ordures et le procès-verbal d’assemblée mentionnait une majorité erronée, à savoir la majorité simple de l’article 24, alors que le vote était soumis à la majorité absolue de l’article 25.

La Cour de cassation refuse d’annuler la délibération en question pour le seul motif que la majorité mentionnée sur le procès-verbal était erronée, car la majorité absolue avait été atteinte en assemblée.

Elle prend donc en compte le fait que la majorité a bien été atteinte pour le vote de la délibération, peu importe que le PV fasse état d’une majorité erronée.

Mutation d’un lot et mandat : obligations des différents intervenants en matière de notification et incidences sur l’assemblée générale en cas de défaillances

Catégories Convocation
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
12 mars 2020 (18-11.988)
Observations

Jurisprudence constante. 

Principe retenu

Il ne peut être reproché au syndic de convoquer une copropriétaire décédée s'il n'a pas été prévenu à temps. 

Analyse de la décision

L’aliénation d’un bien immobilier peut parfois être fractionnée, c’est-à-dire que toutes les composantes ne sont pas transmises à la même personne. Autrement dit, une distinction est réalisée entre la propriété et l’usage de celui-ci consentis à des personnes différentes, ce que l’on appelle juridiquement un démembrement.

Cette opération s’inscrit souvent dans le cadre d’une succession, afin de favoriser un transfert de patrimoine, tout en garantissant le maintien dans les locaux de l’ancien propriétaire.  

Si cette démarche concerne un bien en copropriété, il convient de part et d’autre de se conformer à des règles précises, afin de ne pas les exposer à des confusions et contestations judiciaires, comme le souligne la cour de cassation dans un arrêt du 12 mars 2020.

I. Démembrement d’un lot en copropriété : notification impérative au syndic et conséquence en cas de carence

Sur une résidence sise à Strasbourg, une propriétaire détient quatre lots et notifie en 2002, par l’intermédiaire de son notaire, au syndic, le démembrement de deux d’entre eux.

L’acte authentique prévoit, un transfert de la nue-propriété au profit de sa fille, la conservation de l’usage, sa transmission à son époux lors de son décès et la représentation du démembrement par l’usufruitier aux assemblées générales du syndicat avec droit de vote.

Alors que le décès de l’usufruitière intervient en septembre 2010, sa notification (et transmission de l’usufruit au conjoint survivant) par le notaire au syndic n’intervient que par un courrier du 17 février 2011.

Entre temps, le syndic notifie une convocation d’une assemblée générale du 24 novembre 2010 à l’usufruitière, avec en retour une mention manuscrite sur celle-ci par les services postaux : « personne décédée ».

En 2013 et 2014 l’usufruitier et sa fille nue-propriétaire assignent le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en nullité notamment de l’assemblée générale de novembre 2010, en l’absence de notification de celle-ci.

En défense, le syndic, au nom du syndicat, considère la notification de l’assemblée générale de novembre 2010 auprès de l’usufruitière décédée parfaitement régulière, en raison de toute notification régulière du transfert de l’usufruit imposée par l’article 6 du décret du 17 mars 1967, à la date de son expédition.

L’ensemble des juridictions suit cette interprétation littérale du syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, que ce soit le T.G.I. de Strasbourg dans son jugement du 13 janvier 2016, la cour d’appel de Colmar par une décision du 7 décembre 2017 et la cour de cassation par un arrêt n° 18 - 11988 du 12 mars 2020 : « … Mais attendu qu’ayant relevé que l’article 6 du décret du 17 mars 1967 dispose que tout transfert de propriété doit être notifié, sans délai, au syndic, soit par les parties, soit par le notaire qui établit l’acte, constaté que le procès-verbal de l’assemblée générale avait été notifié à F. G. par lettre recommandée revenue le 24 novembre 2010 avec la mention « décédée » et que le syndic s’était vu officiellement notifier le décès de celle-ci à réception de la lettre du 17 février 2011, la cour d’appel en a exactement déduit qu’il ne pouvait être reproché au syndicat de ne pas avoir adressé à Mme X ou à M. X le procès-verbal de l’assemblée générale, dès lors que la preuve de ce qu’il avait connaissance du décès de F. G. n’était pas rapportée et que M. X, n’ayant pas agi en annulation de l’assemblée générale dans les deux mois de la notification, n’était plus recevable à le faire ;

D’où il suit que le moyen n’est pas fondé … »

II. Mandat et domiciliation d’un lot : contrôle du syndic et incidence en cas de manquement

En l’espèce, ce notaire souligne au syndic, dans cet écrit du 17 février 2011, confirmé par un courrier de 2013, qu’il est en charge de la succession de l’épouse décédée et que tous documents ayant trait aux lots de copropriété (appels, convocations…), doivent en conséquence être expédiés en son étude.

Le syndic notifie donc les convocations des assemblées générales de septembre 2011, octobre 2012, janvier et novembre 2013 auprès du notaire.

Par leurs assignations de 2013 et 2014, l’époux usufruitier et sa fille nue-propriétaire sollicitent également la nullité de ces assemblées générales, au motif d’une double irrégularité, à savoir l’omission de :

- prise en compte du transfert de propriété notifié par le notaire, antérieur à leur convocation (art. 6 du décret du 17 mars 1967) ;

- la notification des convocations au représentant du démembrement à son domicile réel (art. 65 du décret du 17 mars 1967).

Et de souligner, que l’action judiciaire en nullité n’est pas soumise dans ce cas au bref délai de deux mois, mais à celui décennal (puis quinquennal avec la loi ELAN du 23 novembre 2018) à compter de la date de tenue de l’assemblée générale (art. 42 de la loi du 10 juillet 1965).

Le syndic estime pour sa part, qu’il ne lui appartient pas d’exiger et de contrôler le contenu du mandat d’un notaire, la lettre de ce dernier suffisant à faire supporter une présomption quant à la régularité de la situation, dans la mesure où elle émane d’un officier ministériel assermenté.

Le T.G.I. de Strasbourg et la cour d’appel de Colmar rejettent cette demande du père usufruitier et de sa fille nue propriétaire, respectivement par une décision du 13 janvier 2016 et du 7 décembre 2017.

Ils se pourvoient alors en cassation et obtiennent gain de cause pour défaut de notification de la convocation par le syndic par l’arrêt du 12 mars 2020 : «…Attendu que, pour déclarer irrecevables les demandes de M. X en annulation des assemblées générales des 28 septembre 2011, 23 octobre 2012, 16 janvier 2013 et 26 novembre 2013, l’arrêt retient que Mme Y, notaire, indiquait, dans sa lettre du 17 février 2011, être chargée du règlement de la succession de F. G. et, dans une lettre ultérieure, avoir transmis aux personnes l’ayant chargé du dossier le courrier du syndicat et qu’il ne pouvait être reproché au syndicat de ne pas avoir vérifié la validité ou l’étendue du mandat apparent dont Mme Y s’était elle-même prévalue pour être rendue destinataire de toutes les informations concernant la copropriété et donc, de lui avoir notifié les procès-verbaux des assemblées générales ;

Qu’en statuant ainsi, sans constater que M. X avait élu domicile à l’étude de Mme Y ou donné mandat à celle-ci de recevoir en son nom les notifications des procès-verbaux des assemblées générales de copropriété relatives aux lots n° 14 et 15, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;"

En sa qualité de représentant du syndicat, le syndic se doit de vérifier le contenu de tout mandat ou domiciliation prétendument consenti par le propriétaire d’un lot, quand bien même le bénéficiaire serait un juriste assermenté par l’Etat pour recevoir et établir des actes.

Dans le cas contraire, le syndicat encourt des procédures judiciaires pour défaut de convocation aux assemblées générales, dans un laps de temps non négligeable de cinq ans à partir de leur déroulement.

Mots clés associés

Le locataire exerçant une activité commerciale ne peut pas contester une résolution d’assemblée générale relative à la fermeture de l’accès de l’immeuble, s’il dispose d’un autre accès pour ses clients.

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale Bailleur/locataire
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
10 septembre 2020 (19-14.646)
Observations

Notons qu'au moment des faits, les modalités d'ouverture des portes d'accès aux immeubles se votaient à la majorité de l'article 26. 

Depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance copropriété, ces modalités se votent à la majorité de l'article 25. 

Principe retenu

Les locataires ne peuvent contester des décisions d'assemblée générale. 

Concernant la fermeture de l'immeuble, elle est possible même ne présence d'activité commerciale s'il existe une autre entrée pour les clients. 

Analyse de la décision

L’assemblée générale est l’organe souverain, qui prend des décisions pour gérer la copropriété. Ces décisions prises par les copropriétaires régissent la vie de la copropriété. Si elle peut avoir des conséquences pour les copropriétaires, elle peut également en avoir pour les locataires.

En effet, rappelons que les locataires sont soumis au respect du règlement de copropriété et bien entendu aux décisions des assemblées générales.

S’ils sont soumis aux décisions d’assemblée générale, peuvent-ils pour autant contester ces délibérations ? La question se pose, d’autant plus lorsque les résolutions entraineraient un trouble pour le locataire.

C’est donc à ces questions que répond la Cour de cassation dans son arrêt du 10 septembre 2020 (n°19-14.646)

I. Seuls les copropriétaires peuvent contester judiciairement les résolutions

Un copropriétaire loue à un locataire exerçant une activité commerciale (autorisée par le règlement de copropriété) loue 4 lots : 3 lots ont une entrée par la rue et le 4ème nécessite un accès par la copropriété, précisons que ce dernier lot n’est pas relié aux autres.

Lors de l’assemblée générale la résolution suivante est adoptée : fermeture de la porte cochère avec un digicode le samedi. Or, le locataire exerce également son activité commerciale le samedi. Il décide d’assigner le syndicat des copropriétaires pour demander l’annulation de la résolution.

En vertu de l’article 42 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965 «  les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal sans annexe. »

Il est expressément mentionné que ce sont les copropriétaires qui ont la qualité pour contester judiciairement une résolution. D’ailleurs, la jurisprudence a tranché la question de savoir si un locataire pouvait contester la résolution d’une assemblée générale, la Cour d’appel de Paris en date du 15 décembre 1994) a jugé qu’un locataire ne pouvait pas contester une décision d’assemblée générale.

Etant plutôt ingénieux, le locataire indique qu’il ne conteste pas la résolution mais les effets de la résolution.

Ce n’est pourtant pas ce que retient la Cour d’appel, ni la Cour de cassation en rappelant que seuls les copropriétaires peuvent contester une résolution d’assemblée générale. Le fait pour le locataire de contester l’objet de la résolution aux motifs que la résolution consistait d’un simple souhait et qu’elle excédait les pouvoirs du syndicat des copropriétaires s’analysent comme une contestation de la résolution (et non de ces effets).

En conséquence, le locataire n’a pas qualité pour contester la délibération, cette dernière devra s’appliquer.

Pourtant le locataire avait un autre argument

II. La fermeture de l’accès à l’immeuble est possible si le commerçant à un autre accès pour l’entrée de ses locaux

Le locataire conteste la délibération car la fermeture de la porte cochère le samedi toute la journée n’est pas compatible avec la destination de l’immeuble qui autorise les activités commerciales, que cela est une limite à son droit de jouissance d’un passage direct et libre vers son local d’activité et que cela constituait un trouble illicite à l’exercice de son activité commerciale.

En effet, à partir du moment où le règlement de copropriété autorise les activités commerciales au sein de la copropriété, encore faut-il que les décisions prises en assemblée générale n’y contreviennent pas.

La Cour d’appel relève dans cet arrêt que les 3 lots réunis en un espace faisait office de boutique par laquelle on entrait par la rue, et dans la mesure où le quatrième lot, pour lequel on devait entrer via la porte cochère faisait office de bureau. Ce dernier lot et ne recevait pas de public et était accessible pour les employés via le digicode alors « la décision adoptée … dans la mesure où elle ne perturbait pas l’accès à la clientèle de l’espace de vente, demeurait compatible avec l’exercice commerciale du locataire telle qu’autorisée par le règlement de copropriété ».

C’est l’argumentaire que reprend la Cour de cassation pour considérer qu’il n’y a pas trouble illicite à l’exercice de son activité commerciale. En effet, dans la mesure où les clients entrent dans la boutique par l’accès côté rue, la mise en place du digicode pour l’accès au bureau, n’empêche pas les clients d’entrer dans la boutique. Dans la mesure où les clients sont libres d’entrer dans la boutique, il n’y a pas de trouble lié à l’exercice commercial.

Bien entendu, la réponse aurait pu être différente si l’accès de la porte cochère était le seul pour accéder à la boutique du locataire. Ce n’est que dans cette hypothèse, que le locataire aurait pu faire valoir l’existence d’un trouble illicite.

 

 

Jugement du tribunal judiciaire condamnant le syndic FONCIA Agence Centrale et la copropriétaire

Catégories Inexécution ou mauvaise exécution du mandat de syndic / responsabilité du syndic
Juridiction
Tribunal judiciaire de Nanterre
Référence
1er février 2021 n° 17/06746
Observations

Un copropriétaire lésé peut engager la responsabilité du syndic et d’un copropriétaire.

Principe retenu

La responsabilité du syndic et du copropriétaire peut être engagée s’ils décident de faire inscrire à l’ordre du jour l’annulation des travaux, dont l’autorisation a été donnée des années auparavant.

Analyse de la décision

Un jugement du 1er février 2021 du tribunal de Nanterre, litigieux sur certains aspects, condamnant in solidum le syndic FONCIA Agence Centrale et la copropriétaire, accessoirement, présidente d’un conseil syndical, à l’égard d’un couple lésé de propriétaires

Le fonctionnement d’une copropriété n’est pas un long fleuve tranquille, puisqu’il implique l’adoption de décisions du syndicat, leur application, des interprétations qui peuvent se révéler divergentes et donc des contestations ultérieures possibles.

L’introduction d’un contentieux par la collectivité à l’égard d’un ou plusieurs de ses membres doit être exercée en toute clairvoyance, afin d’éviter des mises en cause postérieures de responsabilités, comme le souligne un jugement, certes juridiquement douteux, du tribunal judiciaire de Nanterre du 1er février 2021 à l’encontre du syndic professionnel FONCIA Agence Centrale, mais aussi et surtout à l’égard d’une copropriétaire, présidente d’un conseil syndical.

I. Le syndicat des copropriétaires doit se prononcer, en assemblée générale, notamment lors de l’engagement d’une action judiciaire vis-à-vis de copropriétaires présumés défaillants

Une résidence sise à Boulogne-Billancourt (92) et gérée par FONCIA Agence Centrale décide par une résolution n° 26 de son assemblée générale du 3 décembre 2013 d’agir judiciairement à l’encontre d’un couple possédant 4 lots en suppression d’une véranda construite par leurs soins sur la terrasse contiguë de leur appartement, considérant cette installation illicite, en l’absence d’autorisation présumée du syndicat.

En effet, l’assemblée générale doit souverainement (art. 17 de la loi du 10 juillet 1965) :

- valider les travaux privatifs, que tout copropriétaire envisage de réaliser à ses frais affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble (art. 25 alinéa b de la loi du 10 juillet 1965), voire lui céder le bien immobilier sur lequel l’installation va prendre emprise, si celui constitue une partie commune par un vote à la double majorité de l’article 26 du même texte ;

- habiliter son syndic pour assigner en son nom tout contrevenant en vue de sa condamnation à faire cesser toute infraction au règlement ou au droit de la copropriété (art. 55 du décret du 17 mars 1967).

Sur la base de ce mandat, le syndicat, représenté par son syndic, obtient de la cour d’appel de Versailles, un arrêt du 7 novembre 2016 condamnant définitivement ce couple de propriétaires à démonter la véranda fixée sur la terrasse.

II. Obligations et responsabilités individuelles du syndic et de la copropriétaire, présidente du conseil syndical, à l’encontre de copropriétaires lésés 

Malgré l’absence de contestation de cette décision de justice (en raison d’une confusion invoquée sur les délais de transmission des conclusions), ces deux personnes décident d’assigner personnellement le syndic et la présidente du conseil syndical, en réparation de leur préjudice, considérant ces derniers fautifs et responsables de celui-ci (diminution de la valeur de leur logement du fait de la condamnation à la dépose de leur véranda).

Ils fondent leur action auprès du tribunal judiciaire de Nanterre, en raison de l’action judiciaire en suppression de leur installation initialement engagée de manière erronée par le syndicat à leur encontre, dans la mesure où cet aménagement privatif (affectant entre autres l’harmonie de l’immeuble) s’avérant selon eux licite, car autorisé par une résolution d’une assemblée générale du 30 septembre 1991, sans que ne puissent respectivement l’ignorer :

- le syndic, puisqu’il lui appartient en tant que représentant légal du syndicat de veiller à l’exécution des délibérations de l’assemblée générale (art. 18 de la loi du 10 juillet 1965) selon le registre des procès-verbaux, archives du syndicat qu’il lui incombe en principe de conserver (art. 33 du décret du 17 mars 1967) ;

- la copropriétaire, présidente du conseil syndical, présente lors de cette réunion du syndicat, et votant favorablement cette décision.

En conséquence, son initiative d’inscription d’une question à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 3 décembre 2013, d’habilitation des poursuites à l’égard des copropriétaires présumés défaillants se révèle d’autant plus irrégulière par sa rétention d’informations au syndicat, ainsi qu’à leur avocat sur la situation juridique réelle et faisant obstacle à une délibération éclairée des copropriétaires.

Dans son jugement n° 17 - 06746 du 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre fait droit à cette demande d’indemnisation, considérant les fautes avérées du syndic et de la présidente du conseil syndical dans la réalisation du dommage de ce couple de copropriétaires : «…  L’article 18 I alinéa 2 de la loi du 10/07/1965 dispose :

I. - Indépendamment des pouvoirs qui lui sont conférés par d’autres dispositions de la présente loi ou par une délibération spéciale de l’assemblée générale, le syndic est chargé, dans les conditions qui seront éventuellement définies par le décret prévu à l’article 47 ci-dessous : - d’assurer l’exécution des dispositions du règlement de copropriété et des délibérations de l’assemblée générale.

Force est de constater qu’en établissant en concertation avec le conseil syndical l’ordre du jour de l’assemblée générale du 03/12/2013, lequel prévoyait une résolution n° 26, ayant pour objet une habilitation donnée au syndic d’agir en justice à l’encontre de M. et Mme X.  aux fins notamment de dépose de la véranda, FONCIA A. C. n’a pas assuré l’exécution de la résolution n° 7 de l’assemblée générale du 30/09/1991, autorisant la création de la véranda.

Cette délibération n’ayant pas été contestée en justice et les travaux pour lesquels l’autorisation était donnée ayant été réalisés, la décision du syndicat était définitive et en tout état de cause, il n’appartient pas au syndic d’apprécier la validité des décisions de l’assemblée générale pour en assurer l’exécution.

L’inexécution de cette obligation a été incontestablement renforcée par la demande du syndic à Me C., avocat, d’une consultation juridique écrite en vue de l’assemblée générale de 2013 ayant pour objet la résolution portant sur l’habilitation du syndic d’agir en justice contre M. et Mme X., concernant l’usage de la toiture terrasse, auquel le syndic n’avait pas transmis le procès-verbal de l’assemblée générale de 2013 et par conséquent, l’autorisation qui avait été votée.

L’inexécution de son obligation par le syndic a été également appuyée par le fait que le courrier de Me C. était joint par le syndic à l’ordre du jour de l’assemblée générale de 2013, ce qui n’a pu qu’induire en erreur les membres du syndicat et les conduire à se déterminer en faveur de l’habilitation du syndic à agir en justice.

Si l’existence de l’autorisation de construire une véranda donnée à M. A. en 1991 et le procès-verbal de l’assemblée générale de la même année, avaient échappé à la vigilance de FONCIA A. C., le courrier de M. et Mme X. en date du 27/11/2013 adressé à cette dernière y faisant expressément référence et portant copie du dit procès-verbal aurait dû à tout le moins, conduire immédiatement le syndic à reconsidérer l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires du 03/12/2013.

C’est donc parfaitement informé de l’existence de cette autorisation que le syndic a pourtant maintenu lors de cette assemblée, la mise au vote de son habilitation à agir en justice en vue de la dépose de la véranda.

Cette circonstance à laquelle s’ajoute la rétention d’information par le syndic à l’égard de Me C., pour obtenir une consultation juridique écrite qui allait nécessairement fausser le vote des copropriétaires, caractérisent une faute particulièrement grave de la part de FONCIA A. C. …

Il apparaît dès lors établi que Mme Y., présente à l’assemblée générale de 1991 et ayant pris part au vote autorisant la construction de la véranda litigieuse, avait connaissance de cette autorisation à laquelle elle avait souscrit.

Cette autorisation donnée en 1991 à M. A., alors propriétaire du lot n°188 de créer une véranda, dans la mesure où elle était créatrice d’un droit au bénéfice d’un copropriétaire, fait partie des décisions majeures qui sont prises par un syndicat des copropriétaires, au cours de telle ou telle assemblée générale.

L’oubli allégué par Mme Y. de l’existence de cette autorisation, justifié selon cette dernière par l’écoulement d’un délai de plus de vingt ans apparaît pourtant comme étant sélectif, pour porter seulement sur l’autorisation, mais pas sur l’existence elle-même de la véranda.

Par ailleurs, le fait par Mme Y., qui avait pris favorablement part à l’autorisation de la construction de la véranda, d’avoir été à l’origine de l’inscription à l’ordre du jour de l’habilitation du syndic à agir en justice pour en obtenir la dépose apparaît fautif. Cette faute paraît en l’espèce caractérisée du fait de la connaissance par la défenderesse de l’existence de l’autorisation donnée en 1991, et par la conséquence attachée à sa démarche, consistant en la remise en cause d’un droit acquis de M. et Mme X.

Mme Y., en qualité de membre du conseil syndical, bénévole, conteste être tenue à une obligation d’information envers le syndicat des copropriétaires et estime être tenue à une simple obligation d’assistance.

Cependant, la démarche fautive de Mme Y. consistant à demander au syndic d’inscrire une résolution à l’ordre du jour de l’assemblée générale du 01/12/2013, portant habilitation de ce dernier à agir en justice pour remettre en cause un droit acquis de ces derniers, ne s’inscrit pas dans la mission habituelle d’un membre du conseil syndical, mais apparaît par sa gravité, détachable de sa mission habituelle, engageant pleinement la responsabilité délictuelle de Mme Y. Mme Y. conteste également le reproche de son omission de transmission de toutes les informations nécessaires à Me C., avocat préalablement à la consultation juridique écrite qui avait été demandée par le syndic à ce dernier…

C’est néanmoins à l’appui de l’avis de Me C, avocat, que les copropriétaires ont choisi d’intenter une action judiciaire.

Etant rappelé que l’avis de ce dernier était nécessairement faussé, faute d’avoir été informé de l’autorisation donnée par le syndicat en 1991, tel que Me C. en fait état en précisant au syndic, dans son courrier du 30/10/2013, « cette recherche a également permis de constater que la construction de cette véranda inamovible n’avait jamais été dûment acceptée par les copropriétaires réunis en assemblée générale. », il convient de considérer que cet avis émanant d’un professionnel du droit aura été de nature à emporter la conviction des copropriétaires, sur tout avis contraire énoncé par M. et Mme X.

Contrairement à ce qu’allègue Mme Y. la décision du syndicat est bien en lien avec la résolution soumise par cette dernière à l’approbation de l’assemblée générale…

En effet, la faute alléguée et retenue par le tribunal à l’encontre de la défenderesse ne consiste pas à proprement parler, en un défaut d’information de sa part du syndicat, mais bien en son initiative à demander au syndic de porter à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires, une résolution qu’elle savait contraire à l’autorisation donnée en 1991, initiative qui a eu un rôle prépondérant dans la perte par M. et Mme X. de leur droit à la véranda litigieuse…

PAR CES MOTIFS Vu l’article 1240 du Code civil,

REJETTE la demande d’irrecevabilité de Mme Y.

CONSTATE la responsabilité de Mme Y.

CONSTATE la responsabilité de FONCIA A. C.

REJETTE la demande de sursis à statuer.

CONDAMNE in solidum Mme Y., et FONCIA A. C. à payer à M. et Mme X. la somme de 145 000 € en réparation de la perte de valeur de leur bien immobilier.

CONDAMNE in solidum Mme Y., et FONCIA A. C. à payer à M. et Mme X. la somme de 8 000 € en réparation de leur préjudice moral.

DEBOUTE Madame Y. de sa demande d’amende civile et de sa demande à titre de dommages intérêts.

CONDAMNE in solidum Mme Y., et FONCIA A. C. aux dépens.

ORDONNE l’exécution provisoire.

REJETTE toute autre demande… »

Bien que cette décision se révèle douteuse sur certains points juridiques, et qu’elle n’émane que d’un tribunal judiciaire de premier degré, donc sujette à recours et donc potentiellement à infirmation par une juridiction civile supérieure, elle atteste de l’importance pour le syndicat de devoir, en assemblée générale, se prononcer en connaissance de cause.

Pour ce faire, les copropriétaires doivent pouvoir délibérer de manière éclairée selon les éléments fournis à titre principal, par le syndic, en sa qualité de représentant légal, chargé de l’administration de la résidence, et dans une moindre mesure du conseil syndical tenu de l’assister et de le contrôler dans sa gestion.

En cas de fautes manifestes, des condamnations personnelles se révèlent envisageables, tant pour un syndic, et ce d’autant plus qu’il intervient à titre professionnel, que pour un copropriétaire, accessoirement conseillère syndicale, agissant à titre strictement bénévole.

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Pièces jointes

Le sort des portes palières en cas de travaux de réfection des cages d'escaliers

Copie de la décision
Catégories Travaux partie commune
Juridiction
Cour d'Appel de Paris
Référence
20-18455
Observations

Le syndic est en mesure de saisir le juge des référés de sa seule initiative, peu importe la stipulation contraire du règlement de copropriété

Principe retenu

La mise en peinture des portes palières des lots s’impose aux copropriétaires, en l’absence d’annulation judiciaire des résolutions correspondantes selon la procédure requise

Analyse de la décision

L’exécution de travaux d’entretien peut aboutir à des obstructions de copropriétaires, et ce, d’autant plus qu’elle concerne des installations privatives.

Dans un arrêt du 10 juin 2021, la Cour d’appel de Paris rappelle les conditions légales d’une opposition d’un copropriétaire à leur réalisation.

 

I. Rénovation de la cage d’escaliers avec peinture des portes palières privatives : compétences et modalités de contestation par un copropriétaire

Une copropriété, administrée par un syndic professionnel, décide de la réfection de la cage d’escaliers, parties communes (revêtement au sol, mur), avec peinture des portes palières des lots privatifs. 

L’assemblée générale adopte la résolution relative à la réfection de la cage d’escaliers.

En l’absence de mention du coloris des portes palières lors de la réunion du syndicat, celle-ci fait l’objet d’une décision officieuse entérinée postérieurement par une décision d’assemblée générale du 22 juin 2020.

La propriétaire d’un appartement fait barrage à la peinture de sa porte palière, par l’entreprise retenue par le syndicat, considérant que celle-ci se révèle :

- non seulement irrégulière : s’agissant entre autre d’une installation privative, dont l’entretien incombe en principe au seul détenteur du lot (art. 2 de la loi du 10 juillet 1965) ;

- mais aussi inopportune par la teinte choisie et sa réfection récente par ses soins.

Le syndic, au nom du syndicat, assigne alors la copropriétaire contrevenante en vue de sa condamnation à permettre la réalisation des décisions des assemblées générales, estimant celles-ci parfaitement régulières :

- en l’absence d’action judiciaire en annulation par cette copropriétaire dans le délai imparti de deux mois suivant la notification de leur procès-verbal (art. 42 de la loi du 10 juillet 1965) ;

- du fait, que le règlement de copropriété puisse intégrer provisoirement des équipements privatifs aux parties communes, dans un souci de préservation de l’harmonie de l’immeuble.

La copropriétaire, condamnée en première instance par une ordonnance n° 19 - 59134 du 10 septembre 2020 du T.G.I. de Paris, recourt celle-ci.

La cour d’appel de Paris dans son arrêt n° 20 - 18455 du 10 juin 2021 réitère la décision légitime de la juridiction civile inférieure : «…Il ressort des procès-verbaux versés aux débats que le 28 juin 2018 l'assemblée générale a voté les travaux de réfection des paliers et décidé de retenir la proposition de la société D. pour les travaux de revêtement de sol, revêtements muraux, mise en peinture et autres embellissements pour un montant de 25 243,89 euros TTC selon le devis n° X. du 12 janvier 2018.

Ainsi que l'a retenu le premier juge, ce devis porte expressément mention de la mise en peinture des portes palières.

Si Mme Z. a contesté par un courrier du 22 mars 2021 l'utilité de cette réfection de ces portes en parfait état et ne nécessitant pas d'entretien, il a été relevé, à juste titre, par le premier juge l'absence de contestation de cette assemblée générale dont les décisions s'imposent à tous les copropriétaires quel qu'ait été leur vote ou leur opinion sur ces travaux.

Par la suite, en janvier 2019, le conseil syndical a convié les copropriétaires à choisir la couleur des divers revêtements et pris compte des demandes exprimées.

Il résulte du courriel de Mme Z. du 7 mars 2019 que celle-ci qui n'a pas exprimé son avis dans le cadre de la consultation précitée a par la suite exprimé un désaccord non sur la peinture mais sur la couleur retenue 'ce choix est ridicule au vu de la couleur grise des portes palières (...). Soit vous gardez la couleur d'origine soit vous vous conformez à la couleur grise des portes palières (...). Gris pour les portes et blanc pour les murs'.

Comme l'a retenu le juge des référés, la couleur choisie pour les portes palières a fait l'objet d'une ratification expresse par l'assemblée générale le 22 juin 2020, de sorte que même à supposer que la consultation réalisée par le conseil syndical n'ait pas été régulière, cette décision s'impose à Mme Z.

En conséquence tant les travaux de peinture des portes palières que la couleur retenue pour ces travaux ayant fait l'objet de décisions de l'assemblée générale, le juge des référés pouvait sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile ordonner à Mme Z. de laisser l'accès à sa porte palière pour la réalisation des travaux de peinture. Le prononcé d'une astreinte est également justifié par son opposition à la réalisation de ces travaux.

L'ordonnance sera donc confirmée en toutes ses dispositions.

 

II. Rénovation de la cage d’escaliers avec peinture des portes palières privatives : capacité du syndic à contraindre judiciairement le copropriétaire contrevenant

Outre, la régularité des travaux du syndicat, la copropriétaire conteste la légalité de la procédure judiciaire introduite par son représentant à son encontre.

Plus précisément, elle considère que l’assignation se révèle illicite, en raison de la saisine du juge des référés par le syndic de sa seule initiative (c’est-à-dire en dehors d’une habilitation expresse de l’assemblée générale), en contradiction avec une clause du règlement de copropriété, restreignant cette faculté.

Pour sa part, le syndic au nom du syndicat, conteste la licéité de cette stipulation restrictive du règlement de copropriété, au regard du dispositif impératif énoncé par l’article 55 du décret du 17 mars 1967. Cette disposition réglementaire prévoit en effet, que l’autorisation de l’assemblée générale n’est pas nécessaire pour les actions engagées par le syndic, pour le compte du syndicat, auprès du juge des référés.

Légitimement, les deux juridictions judiciaires civiles saisies successivement font prévaloir une règle d’ordre public (obligatoire pour tout un chacun et que l’on ne peut déroger) : «…Mme Z. soutient en premier lieu qu'elle ne pouvait être assignée sans que le syndicat des copropriétaires obtienne l'autorisation du syndicat des copropriétaires puisque si l'article 55 du décret du 17 mars 1967 autorise une action en référé quel qu'en soit le motif et même hors cas d'urgence, en revanche, le règlement de copropriété limite cette faculté d'agir sans autorisation aux seuls cas d'urgence, condition qui n'est pas remplie en l'espèce.

Le syndicat des copropriétaires soutient qu'il est de jurisprudence constante que dans tous les cas entrant dans la compétence du juge des référés le syndic peut agir sans autorisation amiable, que les dispositions du décret sont d'ordre public, le règlement de copropriété ne pouvant y déroger.

Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967 le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat des copropriétaires sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale, mais il est cependant fait exception à cette règle pour les demandes qui relèvent des pouvoirs du juge des référés.

L'urgence n'est pas une condition d'intervention du juge des référés qui, aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, et, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

A la différence de ces dispositions légales, l'article 13 du règlement de copropriété régissant l'immeuble dans lequel Mme Z. est copropriétaire stipule que le syndic ne peut intenter une action en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale, sauf lorsqu'il s'agit d'une action en recouvrement de créance, même par voie d'exécution forcée, d'une procédure engagée conformément à l'article 54 du décret du 30 mars 1908 et, en cas d'urgence, notamment d'une procédure engagée conformément aux articles 806 et suivants du code de procédure civile.

Ainsi que le soutient Mme Z., le règlement de copropriété restreint donc les pouvoirs conférés au syndic pour agir sans autorisation.

Selon l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 'toutes clauses contraires aux dispositions des articles 6 à 37, 41-1 à 42 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites'. Les articles 18, 18-1 et 18-2 relatifs au pouvoir du syndic font donc partie des dispositions impératives visées par l'article 43. Les pouvoirs reconnus au syndic par l'article 18 représentent donc le 'C B' de ses attributions qui ne peuvent être réduites par le règlement de copropriété.

En conséquence, les pouvoirs du syndic doivent être examinés au regard du seul article 55 précité.

En l'espèce le syndic pouvait donc agir en référé contre Mme Z. pour obtenir sa condamnation sur le fondement du trouble manifestement illicite et ce sans avoir à solliciter préalablement l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires.

L'ordonnance sera donc confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de nullité de l'assignation… »

Le copropriétaire, qui entend s’opposer légalement à des travaux adoptés en assemblée générale, se doit à minima de voter dans le sens contraire de la résolution et requérir leur annulation dans le délai de deux mois suivant la notification de leur procès-verbal.

Dans la négative, la décision s’avère pleinement opposable à lui sans qu’il puisse, au demeurant, invoquer en défense une mention du règlement de copropriété enfreignant une disposition légale ou réglementaire d’ordre public.

Les conditions de mise en cause de la responsabilité décennale du constructeur

Copie de la décision
Catégories Travaux
Juridiction
Cour d'Appel de Nouméa
Référence
18/00262
Observations

La responsabilité décennale suppose, que l’ouvrage reçoive un usage conforme à son affectation ou d’une non-façon à une norme de construction impérative 

Principe retenu

La mise en cause de la responsabilité décennale du constructeur implique de démontrer dans le délai de dix ans, à compter de la réception de l’ouvrage, une malfaçon affectant la solidité de celui-ci.

Analyse de la décision

Les acquéreurs d’un lot sur une résidence neuve sont de plus en plus confrontés à des désordres, qu’ils estiment imputables aux constructeurs ou aux assurances spécifiques obligatoires, à savoir la dommage-ouvrage ou la décennale de l’entreprise.

En l’absence de solution concertée avec l’une ou l’autre de ces polices impératives, le syndicat peut décider d’engager une action judiciaire civile notamment contre le constructeur et son assurance décennale pour les dommages relevés sur les parties communes.

La cour d’appel de Nouméa, dans un arrêt du 23 août 2021, rappelle les conditions requises pour la reconnaissance de la responsabilité civile de ces deux intervenants.

I. Responsabilité du constructeur et de sa décennale dans les malfaçons sur l’ouvrage : poursuite dans les dix ans de la réception pour des désordres affectant sa solidité 

La réception d’une résidence neuve sise à Nouméa (98) affectée principalement à l’habitation, disposant de deux parkings (un aérien et un souterrain) et d’une buanderie collective, intervient le 5 novembre 1995.

Les copropriétaires relèvent divers désordres, notamment de fortes infiltrations, en cas de pluie, sur les voies d’accès au garage en sous-sol, imputées à un joint non étanche de dilatation (enterré) du parking extérieur.

Les constructeurs H. et leur assurance décennale écartant leur responsabilité en la matière, le syndicat habilite son syndic, afin d’obtenir de manière contradictoire une :

- expertise judiciaire constatant les dommages et les responsabilités. Suite à une ordonnance du 20 juin 2005 désignant un expert, celui-ci rend son rapport le 26 juillet 2007, préconisant des travaux pour faire cesser ces désordres ;

- condamnation en indemnisation de leur préjudice, moyennant une assignation au fond. 

Un premier jugement du 2 mai 2011 du tribunal de première instance de Nouméa accueille la demande du syndicat et des copropriétaires.

Les deux parties condamnées recourent la décision de la juridiction civile inférieure et obtiennent son infirmation par un arrêt du 3 janvier 2017 de la cour d’appel de Nouméa.

Le syndicat et ces copropriétaires se pourvoient en cassation, la haute juridiction civile faisant droit à leur requête, par un arrêt du 3 mai 2018, pour défaut de motivation juridique, en renvoyant les parties à nouveau auprès de la cour d’appel.

Devant la cour d’appel de Nouméa, les parties réitèrent leurs arguments en ce qui concerne entre autre le joint de dilatation du parking, à savoir pour :

- le syndicat et les copropriétaires, une malfaçon de nature décennale, pour laquelle le constructeur et son assurance professionnelle doivent répondre, puisqu’elle affecte la solidité de l’ouvrage (art. 1792 al. 1 du Code civil et L 241-1 du Code des assurances) ;

- les constructeurs et leur assurance, un lien de causalité non établi, mais aussi et surtout une action prescrite, la responsabilité devant être recherchée au plus tard dans le délai de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage selon l’article 1792-4-1 du Code civil.

La cour d’appel de Nouméa dans son arrêt n° 18 - 00262 du 23 août 2021 rejette la responsabilité des constructeurs et leur assurance civile professionnelle au motif d’une prescription de l’action, au demeurant juridiquement litigieuse.

Ces juges déclarent l’action hors délai en raison d’une constatation des désordres par l’expert judiciaire en 2007, soit au-delà de la prescription intervenue le 5 novembre 2005 (dix ans à compter de la réception de l’ouvrage au 5 novembre 1995, l’arrêt comprenant d’ailleurs une erreur sur cette date, puisqu’il évoque un transfert de l’ouvrage au 5 novembre 1996).

Or, l’assignation du syndicat et des copropriétaires au 14 et 15 octobre 2004 (soit dans le délai des dix ans) interrompt en principe le délai de prescription selon l’article 2241 du Code civil : «…Il ressort de l’expertise, que le désordre au jour où l’expert a réalisé ses opérations (rapport complémentaire de 2007) ne compromettait pas la solidité de l’ouvrage ni sa destination. Il concluait que seule l’aggravation du processus de corrosion pouvait à terme entraîner une atteinte à la solidité.

Pour mettre en jeu la responsabilité décennale des constructeurs, il faut que l’atteinte à la solidité intervienne avec certitude dans le délai de 10 ans. En l’espèce, la garantie décennale est expirée depuis le 05/11/2005. Les constatations de l’expert ont été faites en juin 2007 soit au-delà du délai.

Dès lors, la mise en jeu de la responsabilité décennale ne peut être retenue… »

II. Responsabilité décennale du constructeur et de sa décennale : usage conforme à sa destination ou non-façon à une norme de construction impérative

Dans le cadre de ce contentieux, le syndicat et les copropriétaires se plaignent également des malfaçons imputables selon eux aux promoteurs et à leur assurance décennale, soit des :

- infiltrations dues à l’absence d’étanchéité sur les balcons et dans la buanderie commune ;

- fissures sur la dalle du parking aérien, en raison d’un vice de construction.

En défense, les promoteurs et leur police professionnelle opposent :

- l’absence d’obligation d’étanchéité sur les balcons et la buanderie selon les normes techniques de construction en vigueur ;

- un usage inadapté du garage en surface par des véhicules lourds excluant en premier lieu leur responsabilité civile (art. 1792 al. 2 du Code civil), et ce d’autant plus du caractère révolu du dommage à la suite d’une utilisation conforme à sa destination.

Dans son arrêt du 23 août 2021, la cour d’appel de Nouméa se range à l’argumentation juridique des constructeurs et de leur assurance, la responsabilité civile contractuelle impliquant par principe un dommage effectif, une faute exclusive de son auteur, ainsi qu’un lien de causalité entre les deux (art. 1147 du Code civil devenu depuis le 1231-1) : « …L’expert a constaté que les balcons terrasses n’ont pas reçu d’étanchéité sous le carrelage. Les buanderies sont protégées de l’extérieur par une paroi en lames « persiennées". Quand il pleut l’eau pénètre dans ce local compte tenu de sa conception. En l’absence d’étanchéité, les plafonds présentent des décollements de peinture ou des traces d’humidité.

Le syndicat des copropriétaires considère que le désordre évolutif est de nature décennale en ce qu’à terme il entraînera la corrosion des aciers des armatures.

Les consorts H. (constructeurs) rappellent comme explicité par l’expert qu’il n’existait aucune obligation de revêtir d’un complexe d’étanchéité les terrasses et buanderies et qu’il n’y a pas atteinte à la solidité de l’ouvrage.

Sur quoi,

Le désordre ne présente pas un caractère décennal. De surcroît, les règles de l’art qui n’imposaient aucune étanchéité obligatoire. Dès lors, la mise en jeu de la responsabilité décennale sera écartée…

L’expert a relevé que les têtes de poteaux dans le parking étaient éclatées et que les deux poutres présentaient une flèche importante, les dalles de la zone de roulement présentant de nombreuses fissures. Il conclut que l’ensemble des désordres n’étaient pas apparents à la réception. Il noté également qu’après être retourné plusieurs fois sur place il a constaté que les fissures traitées par un enduit visant à les cacher étaient réapparues et qu’il était clair que les poutres bougeaient sous l’effet de la circulation sur le parking extérieur.

La cause en est le fluage du béton et la surcharge permanente de la structure lors de la réfection de l’étanchéité de la dalle due à une erreur de calcul ce qui conduit à interdire l’accès au parking extérieur au poids lourds pour éviter que la structure ne souffre davantage (p. 22 remèdes)

L’expert conclut que le parking a été dimensionné uniquement pour recevoir des véhicules de types voitures légères et que le passage de véhicules lourds (camions poubelles, camions de déménagement) est la cause des désordres.

Les consorts H. estiment que le désordre a été réglé avec l’interdiction de la circulation des poids lourds et qu’aujourd’hui, il n’est fait état d’aucun désordre affectant la solidité de l’ouvrage, le parking étant quotidiennement utilisé par les résidents de l’immeuble

Le syndicat considère que le désordre est de nature décennale recouvrant à la fois un vice de construction et de conception. Il considère que le parking a vocation à recevoir la circulation de tous types de véhicules et que le seul fait que leur circulation soit à prescrire rend le bien impropre à sa destination.

L’assureur reconnaît qu’il y a atteinte à la solidité de l’ouvrage mais que le non-respect de la destination que les parties avaient initialement entendu donner à l’ouvrage (circulation réservée aux véhicules légers) exonère les constructeurs de toute garantie ; qu’en tout état de cause, le dommage a pu être réparé à temps pour un coût inférieur à 300 000 Fcfp (francs comptoirs français du Pacifique), les recommandations de l’expert ayant été suivies d’effet puisqu’il n’y a plus d’aggravation 15 ans après la réception.

Sur quoi,

Le désordre porte atteinte à la solidité de l’ouvrage. Toutefois s’agissant d’un parking aérien (il existe un autre parking), il devait être utilisé par les seuls résidents conformément à la configuration des lieux. L’usage abusif par des poids lourds (camions de déménagement ou camion poubelles) exonère les constructeurs. Au demeurant les mesures prises (travaux de consolidation et interdiction de circulation des poids lourds) ont permis de limiter les dommages… »

Si le constructeur et son assurance professionnelle sont notamment responsables de certaines malfaçons survenues dans les dix ans de la réception de l’ouvrage, cela suppose néanmoins qu’elles affectent la solidité de l’immeuble ou le rendent impropre à sa destination, mais aussi que l’usage qui en est fait par les résidents se révèle conforme à son affectation.

De même, le promoteur ne doit devoir à répondre des non-façons dommageables constatées ultérieurement, que si celles-ci enfreignent à titre principal des normes techniques obligatoires, voire des engagements stipulés expressément dans le contrat de réservation.