Formations (15)

Seule une décision unanime permet de modifier les modalités de jouissance des lots privatifs

Catégories Définition des parties communes et privatives Tenue de l'assemblée générale
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
09 juillet 2020 (19-18.879)
Observations

Confirmation de sa jurisprudence antérieure. 

Principe retenu

La modification des modalités de jouissance d'un lot privatif se vote à l'unanimité.

Analyse de la décision

L’assemblée générale est le seul organe de la copropriété à pouvoir adopter des décisions relatives à l’administration, la gestion, la conservation de la copropriété.

Pour ce faire, les majorités édictées par la loi du 10 juillet 1965(article 24, 25, 25-1, 26, 26-1) doivent être respectées, pour que les décisions sont valablement adoptées. Plus la décision entraine des conséquences importantes pour la copropriété plus la majorité sera difficile à obtenir.

Ainsi, l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dispose : « sont prises à la majorité des membres du syndicat des copropriétaires représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : 

a) Les actes d’acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l’article 25d ;

b) La modification, ou éventuellement l’établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l’usage et l’administration des parties communes ;

c) La suppression du poste de concierge ou de gardien et l’aliénation du logement affecté au concierge ou au gardien lorsqu’il appartient au syndicat et qu’il ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble.

L’assemblée générale ne peut prendre en principe que des décisions concernant la copropriété donc les parties communes de l’immeuble.

Cependant, elle est autorisée à prendre des décisions relatives aux modalités de jouissance des parties privatives. Dans ce cas, parce que cet acte est grave et sort de son objet, cette décision ne peut être prise qu’à l’unanimité, et ce conformément au deuxième paragraphe de l’article 26.

C’est d’ailleurs ce que rappelle cet arrêt rendu par la Cour de cassation en date du 09 juillet 2020 (n°19-18.879) concernant la modification des modalités de jouissance du lot.

I. L’affectation du lot est mentionnée dans le règlement de copropriété

Lors d’une assemblée générale, la résolution suivante est adoptée à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 : « donne mandat au syndic afin qu’il négocie avec les copropriétaires du lot à usage commercial, des modalités de jouissance de leur lot ».

Dans les faits, cette négociation aboutirait à priver les copropriétaires concernés d’une modification future de leur lot, donc cette résolution modifie les modalités de jouissance du lot privatif.

L’affectation du lot correspond à l’usage autorisé par le règlement de copropriété en respectant la destination de l’immeuble. Il s’avère qu’il s’agit d’une copropriété à usage mixte, c’est-à-dire une copropriété dans laquelle cohabitent les lots à usage d’habitation et les lots à usage commercial.

En vertu de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965 « un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l’état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que leur condition de jouissance (…)

Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation ».

Autrement dit, c’est le règlement de copropriété qui fixe l’affectation du lot, en conformité avec le règlement de copropriété si ce dernier l’y autorise, il sera alors possible pour un copropriétaire de demander que son lot à usage commercial devienne par exemple un lot à usage d’habitation.

Néanmoins, ce copropriétaire devra obtenir l’accord de l’assemblée générale. C’est ainsi qu’à juger la Cour de cassation dans un arrêt en date du 27 novembre 1991 (n°90-10.663) « pour débouter un copropriétaire de sa demande en annulation d’une délibération d’une assemblée générale ayant autorisé un autre copropriétaire à modifier la destination de son lot, que l’article 26 ne dispose pas qu’un vote à l’unanimité soit nécessaire pour modifier la destination des parties privatives, telles que définies au règlement de copropriété, mais interdit seulement à l’assemblée générale d’imposer une telle modification à quelque majorité que ce soit. »

Cela signifie que seul le copropriétaire peut demander selon sa propre volonté la modification de l’affectation de son lot.

Néanmoins, l’assemblée générale ne peut lui imposer cela.

II. L’assemblée générale ne peut imposer une modification des modalités de jouissance du lot

La résolution litigieuse est adoptée à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965, soit à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les 2/3 des voix.

Pour justifier l’application de cette majorité, le syndicat des copropriétaires explique que la résolution ne porte pas atteinte aux modalités de jouissance du lot privatif des copropriétaires, puisqu’il a simplement été donné mandat au syndic de négocier avec les copropriétaires du lot. Ainsi, les copropriétaires sont libres de refuser de négocier, donc de laisser les modalités de jouissance en l’état.

Or, l’article 26 dispose « l’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soir, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété ».

Autrement dit, c’est à l’unanimité que cette décision peut être adoptée.

La Cour de cassation reprend le raisonnement de la Cour d’appel en énonçant que les décisions adoptées visaient « à empêcher indirectement les propriétaires de lots à usage commercial, d’opérer dans l’avenir un changement d’affectation de leurs lots dans cet immeuble dont l’usage demeurait pourtant mixte en vertu du règlement de copropriété ».  Ces résolutions n’ont pas été adoptées à l’unanimité et doivent être annulées.

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme sa jurisprudence antérieure établie par les arrêts du 16 septembre 2003 (n°02-16.129) et du 30 mars 2005 (n°04-11.242), par lesquelles, la Haute juridiction annulait l’adoption d’une résolution « interdisant dans les lots à usage commercial toute activité de restauration et plus généralement tout commerce alimentaire dégageant des odeurs et/ou occasionnant du bruit ». De même elle a édicté la règle selon laquelle, il est impossible d’interdire  à quelque majorité une décision ayant pour effet de porter atteinte à la destination des lots vendus au copropriétaire ayant installé un cabinet libéral.

L'absence de notification de la convocation et du procès-verbal, ouvre la possibilité de contester au-delà du délai de deux mois

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale Convocation Procès-verbal
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
12 novembre 2020 (19-20.811)
Observations

Jurisprudence constante.

Principe retenu

En cas d'absence de notification de la convocation et du procès-verbal, les copropriétaires qui n'ont pas reçu ces documents peuvent contester les décisions prises au-delà du délai de deux mois. 

Analyse de la décision

L’assemblée générale constitue l’organe souverain décisionnaire du syndicat, ce qui implique pour le syndic d’y convoquer tous les copropriétaires ou leur représentant légal ou statutaire.

En cas de carence du syndic à cet impératif, le syndicat s’expose à se voir objecter l’inopposabilité des résolutions de ces assemblées générales auprès des copropriétaires lésés au-delà du délai réduit de deux mois, comme le souligne un arrêt de la cour de cassation du 12 novembre 2020 (19-20811) 

I. Convocation et notification du procès-verbal de l’assemblée générale par le syndic aux copropriétaires ou à leur mandataire : principe de l’obligation pour ces derniers de notifier au syndic existence et changement juridique

Un couple acquiert en 1963 un lot commercial à construire (qui ne sera jamais érigé) sur une résidence en copropriété sise à Orange (84), via une Société Civile Immobilière (S.C.I.), dont la gérance est assurée par l’époux.

Cette S.C.I. perd la personnalité juridique (existence légale) en 2002 pour défaut d’immatriculation auprès du Registre du commerce et des sociétés, ce qui l’a fait basculer dans le régime de l’indivision, propriété du couple.

Suite au décès de l’époux en 2003, l’indivision du lot n° 73 se compose désormais du conjoint et de leurs quatre enfants.

En raison d’un arriéré de provisions et charges que le syndicat estime au principal à près de 30.000 euros (hors demandes accessoires), son syndic assigne en paiement les quatre indivisaires les 24 et 25 février 2015.

Ces derniers contestent devoir ces sommes pour défaut de notification à la S.C.I., puis à l’indivision de la convocation et des procès-verbaux des assemblées générales ayant approuvé budgets, comptes de la copropriété constitutifs de la dette et requièrent reconventionnellement la nullité de ces réunions du syndicat.

Le T.G.I. de Carpentras dans un jugement n° 15 - 00928 du 6 juillet 2017 condamne les copropriétaires débiteurs au paiement à titre principal 16.745,07 euros, actualisés à 19.690,60 euros par la cour d’appel de Nîmes dans son arrêt du n° 17 - 03305 du 23 mai 2019.

La décision des magistrats de Nîmes se fonde sur les principes généraux du droit de la copropriété, à savoir, qu’il appartient aux copropriétaires de notifier au syndic, directement, via leur notaire ou avocat tout changement statutaire et/ou d’adresse, conformément aux articles 6 et 32 du décret du 17 mars 1967.

A défaut, le syndicat, représenté par son syndic, est présumé avoir régulièrement rempli son obligation de notification de la convocation et du procès-verbal de l’assemblée générale au propriétaire et à sa dernière adresse connue : «…Les consorts J.G. qui ne peuvent faire grief au syndicat des copropriétaires de n'avoir pas régulièrement convoqué les indivisaires aux assemblées générales, compte tenu de leur propre carence dans l'information du syndic, alors que le syndic de copropriété n'a jamais eu pour seul interlocuteur que la S.C.I. R.C., ils ne sont pas fondés à demander l'annulation des assemblées générales sus visées et le jugement déféré sera confirmé sur ce point… »

En revanche, le syndicat ne peut prétendre au recouvrement de provisions et charges antérieures, en l’absence de justification d’une partie de la dette, mais aussi et surtout de la prescription décennale applicable conformément à l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 (dans sa rédaction en vigueur au moment de l’assignation, délai désormais réduit à 5 ans, suite à la modification instituée par la loi ELAN du 23 novembre 2018), raison pour laquelle les juges n’octroient à celui-ci qu’une fraction de la dette requise auprès des débiteurs : « …Le syndicat des copropriétaires demande au titre de l'arriéré de charges due par l'indivision J. G. la somme de 32 425,26 euros arrêtée au 19 octobre 2017 suivant décompte du 7 décembre 2017.

Ce décompte faisant état d'un solde débiteur de 12 734,66 euros à la date du 1er janvier 2007, sans que le syndicat des copropriétaires ne justifie du décompte détaillé de cette dernière somme, de sorte que la part de charges nécessairement prescrite ne peut être calculée, c'est à bon droit que les premiers juges ont débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande à hauteur de 12 734,66 euros et y a fait droit pour le surplus… »

II. Convocation et notification du procès-verbal de l’assemblée générale par le syndic aux copropriétaires ou à leur mandataire : obligation de diligences du syndic et incidences dans le cas contraire pour le syndicat

Les indivisaires recourent cet arrêt selon le même argument juridique, à savoir la nullité d’une partie de la dette pour défaut de notification de la convocation, du procès-verbal des assemblées générales à la S.C.I., puis aux indivisaires ou à un mandataire commun.

Dans son arrêt n° 19 - 20811 du 12 novembre 2020, la cour de cassation fait droit à cette demande des indivisaires.

Les magistrats soulignent, que s’il appartient effectivement aux propriétaires de notifier tout changement statutaire au syndic, ce dernier est néanmoins tenu de mettre en œuvre des moyens pour identifier les propriétaires, et justifier de la notification de la convocation, du procès-verbal des assemblées généraux à ceux-ci ou à un mandataire commun (désigné amiablement par les indivisaires ou judiciairement par ces derniers, voire le syndic selon l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965), lorsqu’il a manifestement connaissance d’une modification intervenue.

Autrement dit, le syndicat, représenté par son syndic, ne peut pas faire preuve d’incohérence, en invoquant à la fois la méconnaissance de la situation juridique effective, alors même qu’il est informé du décès du gérant (tout en continuant à notifier illégalement à ce dernier les documents du syndicat), et qu’il poursuit en justice les indivisaires :

"… Pour condamner les consorts en paiement d’une somme de 19690.60eiros, l'arrêt retient que, compte tenu des circonstances de la disparition de la SCI et de la naissance de l'indivision, dont les consorts ne justifient pas qu'ils ont tenus le syndic informés, il ne saurait être reproché au syndicat ni de e pas avoir convoqué chacun des indivisaires, ni de ne pas fait désigner un mandataire commun pour l'indivision. 

En se déterminant ainsi, sans rechercher comme il le lui était demandé, si la SCI avait quant à elle été convoquée aux assemblées générales qui s'étaient tenues de 2007 à 2016, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision "

Dès lors, le syndic en sa qualité de représentant du syndicat, doit veiller à notifier la convocation, le procès-verbal au(x) copropriétaire(s) approprié(s) ou à défaut à leur mandataire commun désigné par ses soins, afin de ne pas exposer la collectivité à une absence partielle, voire intégrale de recouvrement de sa dette. 

En effet, bien que la notification du changement incombe réglementairement au(x) propriétaire(s) concerné(s), le syndic n'en demeure pas moins tenu de tirer les conséquences des informations dont il a manifestement connaissance et tient compte de manière fractionnée. 

Le syndicat des copropriétaires ne peut se retourner contre les copropriétaires bloquant la validation des travaux, même si sa responsabilité est engagée.

Catégories Tenue de l'assemblée générale Responsabilité / absence de responsabilité du syndicat des copropriétaires
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
10 septembre 2020 (19-11.673)
Observations

Le principe de la liberté du vote est confirmé dans cet arrêt. 

Principe retenu

Si la responsabilité du syndicat des copropriétaires est engagée pour défaut d'entretien des parties communes, celui-ci ne peut se retourner contre les copropriétaires qui ont voté "contre" la réalisation de ces travaux. 

Analyse de la décision

En copropriété c’est l’assemblée générale qui prend toutes les décisions. Chaque copropriétaire dispose d’un nombre de tantièmes pour faire entendre « sa voix ». Ainsi, en fonction des votes recensés, les décisions sont soit rejetées, soit validées.

Les copropriétaires disposent d’une totale liberté pour voter dans le sens qu’ils souhaitent. Les seules limites étant l’abus de majorité ou de minorité.

La situation peut alors se bloquer quand il s’agit d’effectuer des travaux pour réparer une fuite provenant des parties communes, quand le vote est rejeté par certains copropriétaires.

D’autant plus, lorsque le syndicat des copropriétaires est déclaré responsable des dommages causés par cette fuite et est condamné au paiement de dommages et intérêts au bénéfice du copropriétaire victime.

Dans ce cas, le syndicat des copropriétaires peut-il se retourner contre les copropriétaires opposants à la réalisation des travaux?

C’est à cette question que répond la Cour de cassation dans un arrêt en date du 10 septembre 2020 (n°19-11.673)

I. La responsabilité du syndicat des copropriétaires

Des copropriétaires d’un lot subissent des infiltrations à répétition, devant l’inaction du syndicat des copropriétaires, ils décident de l’assigner en réparation des dommages subis.

Conformément à l’article 14 alinéa 4 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toute action récursoire.

Autrement dit, il suffit que des désordres apparaissent dont l’origine réside dans les parties communes pour que la responsabilité du syndicat des copropriétaires soit engagée.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires est donc reconnue et il est condamné à payer les dommages et intérêts aux copropriétaires victimes.

Cependant, cela signifie également que les copropriétaires victimes vont également devoir participer à la condamnation des dommages et intérêts à hauteur de leur quote-part.

En effet, il est de jurisprudence constante, civ.3.28 mars 1990 (88-15.364), civ.3.14 novembre 2001 (00-13.739) et civ.3.20 juin 2019 (18-12.714) que le demandeur à l’action judiciaire, en sa qualité de copropriétaire est contraint de payer des dommages et intérêts à hauteur de sa quote-part; les dommages et intérêts étant considérés comme des charges communes.

La seule exception à cette répartition des charges résulte de l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 concernant les frais de justice. En effet, il est mentionné « le copropriétaire qui, à l’issue d’une instance judiciaire l’opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensée, même en l’absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires ».

Dès lors, le copropriétaire victime des infiltrations doit lui aussi participer au paiement des dommages et intérêts.

Il n’existe qu’une solution pour éviter de devoir participer au paiement des dommages et intérêts : prouver que les copropriétaires opposants ont commis une faute : un abus de minorité

II. La liberté du sens du vote contre l’abus de minorité

Le syndicat des copropriétaires condamné à payer des dommages et intérêts décide alors de se retourner contre les copropriétaires opposants. En effet, depuis 5 ans, ces copropriétaires refusent les travaux relatifs à la réparation des infiltrations. Ainsi, pour le syndicat des copropriétaires, l’absence de réparation est la faute de ces deux copropriétaires.

Dès lors, il y aurait abus de minorité. C’est la jurisprudence qui a dégagé ce principe, cela arrive lorsque les copropriétaires minoritaires lors d’un vote s’opposent à certaines résolutions qui iraient dans le sens contraire de l’intérêt collectif.

Très peu d’arrêts ont reconnu l’existence d’un tel abus. Dans les faits, il est surtout question d’abus de majorité (une décision contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires).

Ainsi, la Cour d’appel relève que « les travaux étaient nécessaires et conformes à l’intérêt collectif des copropriétaires et que les deux copropriétaires « disposaient seuls de suffisamment de millièmes pour pouvoir à leur gré bloquer les travaux, et qu’en empêchant durablement et sciemment de procéder à ces travaux et en l’exposant à engager sa responsabilité en application de l’article 14 de la loi du 10 juillet 1965, ils ont commis l’un et l’autre une faute. »

Pour autant, la Cour de cassation balaie l’argumentaire de la Cour d’appel et casse l’arrêt rendu. En effet, pour la haute juridiction, le motif retenu par la cour d’appel ne permet pas de caractériser une faute de nature à faire dégénérer en abus l’exercice du droit de vote.

Autrement dit, il est rappelé par cet arrêt la liberté d’exercer son droit de vote. Ainsi, tout copropriétaire  peut s’opposer à une décision sans que cela constitue une faute.

Dès lors, en s’opposant les copropriétaires n’ont pas commis de faute de nature à engager leur responsabilité. D’autant plus, qu’il est retenu par la décision que si les copropriétaires absents et non représentés avaient été présents et avaient voté favorablement, la résolution concernant l’exécution des travaux aurait pu être adoptée.

Ainsi, l’abus de minorité n’est absolument pas caractérisé selon la haute juridiction et le syndicat des copropriétaires ne peut pas se retourner contre ces copropriétaires opposants.

La Cour d’appel de Basse-Terre rappelle la capacité d’annulation en cascade des assemblées générales convoquées par un syndic, dont le mandat a été invalidé judiciairement

Catégories Contestation de la décision / de l'assemblée générale Désignation / échéance du contrat / révocation du contrat de syndic
Juridiction
Cour d'appel de Basse-Terre
Référence
22 juin 2020 (17-016841)
Observations

Jurisprudence constante.

Principe retenu

L’annulation en cascade des assemblées générales s’avère encourue en cas de motif invalidant la première, affectant la régularité de la réunion postérieure du syndicat, et que cette dernière se voit contester dans le délai de deux mois suivant la notification de son procès-verbal par un copropriétaire opposant ou défaillant. 

Analyse de la décision

Face aux irrégularités des assemblées générales, les copropriétaires opposants ou défaillants décident parfois d’engager une action judiciaire en annulation de celles-ci.

Outre cette première procédure contentieuse, la poursuite des illégalités peut entrainer un nouveau contentieux en nullité fondé sur l’irrégularité initiale constatée par la juridiction judiciaire, comme le rappelle la cour d’appel de Basse-Terre dans un arrêt du 22 juin 2020.

I. Annulation judiciaire d’une assemblée générale : règles ordinaires requises

Une copropriété sise dans les Antilles française tient deux assemblées générales le 3 juin et 30 juillet 2015 convoquées par un syndic professionnel I. D.

Au cours de ces assemblées générales, le syndicat désigne à nouveau I.D. pour un mandat d’un an, ayant pour échéance le 20 juin 2016.

Ces assemblées générales font l’objet d’une action judiciaire en annulation (pour diverses irrégularités) par des copropriétaires opposants dans le délai de deux mois suivant la notification de leur procès-verbal par le syndic selon l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Cette procédure contentieuse aboutit à l’annulation des assemblées générales dans leur ensemble par un arrêt de la cour d’appel de Basse-Terre du 26 novembre 2018.

II. Annulation judiciaire d’une assemblée générale : conditions pour la nullité en cascade

Malgré l’invalidation des assemblées générales de 2015, comprenant notamment l’annulation de la résolution sur l’élection du syndic professionnel I.D, ce dernier poursuit néanmoins la gestion de la résidence, et décide de convoquer deux assemblées générales en 2016.

Sans attendre le résultat de l’action judiciaire en cours, tendant à la nullité des assemblées générales de 2015, deux personnes opposantes détenant des lots assignent, dès le 29 juillet 2016, le syndicat en annulation des assemblées générales de 2016 :

- afin, de ne pas se voir opposer une éventuelle prescription, en raison d’une action judiciaire introduite hors délai, autrement dit au-delà du délai légal de deux mois suivant la notification de leur procès-verbal par le syndic ;

- certains de l’illégalité de ces réunions du syndicat, si celles antérieures de 2015 se révélaient invalidées par la juridiction judiciaire civile.

Leur requête en première instance étant écartée par le T.G.I. de Basse-Terre dans un jugement n° 16 - 00925 du 5 octobre 2017, les deux propriétaires opposants interjettent appel, avec entre temps, l’arrêt rendu le 26 novembre 2018 par la cour d’appel annulant les assemblées générales de 2015, intégrant entre autre la nullité de la résolution sur la nomination du syndic professionnel I.D.

La cour d’appel de Basse-Terre dans son arrêt n° 17 - 016841 du 22 juin 2020 n’a pas d’autre choix que de faire droit au recours de ces deux propriétaires à l’encontre du syndicat, un syndic ne pouvant pas réglementairement administrer un immeuble (ce qui induit la convocation des assemblées générales), lorsqu’il se trouve dénué de tout mandat légitime : «…Sur le fond, il est constant que suivant arrêt infirmatif du 26 novembre 2018, la cour d'appel de Basse-Terre a contradictoirement annulé les assemblées générales des copropriétaires de cet ensemble immobilier des 03 juin et 30 juillet 2015 désignant l'EURL I. D. en qualité de syndic pour une durée d'un an soit jusqu'au 20 juin 2016.

Or, il est admis que l'annulation de la décision d'assemblée générale qui avait désigné le syndic rend annulable l'assemblée suivante convoquée par ce même syndic rétroactivement privé de pouvoir.

Aussi, faute de preuve d'une régularisation de la désignation du syndic l'EURL I. D., il est de juste appréciation d'annuler les assemblées générales des copropriétaires de l'ensemble immobilier [...] en date des 2 juin 2016 et 19 juillet 2016 et ce faisant, l'ensemble des résolutions y contenues.

Les demandes indemnitaires accordées par les premiers juges seront également écartées. En conséquence, le jugement querellé sera infirmé en toutes ses dispositions… »

Cet arrêt s’inscrit dans la jurisprudence judiciaire civile constante selon laquelle, l’annulation en cascade des assemblées générales s’avère encourue en cas de motif invalidant la première, affectant la régularité de la réunion postérieure du syndicat, et que cette dernière se voit contester dans le délai de deux mois suivant la notification de son procès-verbal par un copropriétaire opposant ou défaillant (art. 42 de la loi du 10 juillet 1965).

Si cette situation juridique peut paraitre inextricable et avoir pour seule solution judiciaire la désignation d’un administrateur provisoire, il n’en est rien.

En effet, une assemblée générale destinée à la seule fin d’élire un syndic, lorsque le syndicat s’en trouve dépourvu, peut être convoquée par tout copropriétaire (art. 17 de la loi du 10 juillet 1965).

La participation à l’assemblée d’une seule personne n’ayant pas qualité pour y participer est une cause de nullité de l’assemblée dans son ensemble

Catégories Tenue de l'assemblée générale
Date de parution de l'article de loi
Juridiction
Cour de cassation (troisième chambre civile)
Référence
n°22-17.764
Observations

La vérification de la qualité à participer à une assemblée générale de copropriétaires est une condition cruciale de sa régularité. Le syndic qui accepte un participant n’ayant pas lui-même la qualité de copropriétaire, et ne justifiant pas lors de la signature de la feuille de présence d’un mandat de représentation valable, encourt le risque d’une nullité de l’assemblée dans son ensemble, même si cette participation est sans conséquence sur l’issue des votes sur les questions inscrites à l’ordre du jour, et donc la mise en cause de sa responsabilité pour le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires.

Principe retenu

L'irrégularité affectant la composition d'une assemblée générale entraîne sa nullité sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief.

Analyse de la décision

Une SCI copropriétaire avait assigné le syndicat des copropriétaires de son immeuble en annulation de trois assemblées en cascade, celle en 2014 ayant désigné le syndic (non-professionnel), et les assemblées suivantes pour défaut de qualité à convoquer.

Pour la première assemblée, elle reprochait la mention sur la feuille de présence de personnes n’ayant pas la qualité de copropriétaire et ne disposant pas de pouvoir de représentation d’un copropriétaire, si bien que selon elle, une seule personne avait qualité pour participer, et que celle-ci ne pouvait seule voter en méconnaissance du caractère délibératif de l'assemblée. Autrement dit qu’une assemblée ne peut se tenir avec un seul copropriétaire présent ou représenté.

La Cour d'appel d'Aix en Provence le déboute, au motif que la présence des personnes censées ne pas avoir qualité pour participer n’avait pas été contestée lors de la tenue de l’assemblée, et que, même à admettre qu’un seul copropriétaire ait participé à l'assemblée générale, son vote favorable suffisait à l'adoption des résolutions à la majorité des voix des copropriétaires présents ou représentés (autrement dit à l’article 24…).

Elle avait raison sur ce dernier point : avec un seul copropriétaire, l’assemblée peut être tenue valablement, ce copropriétaire pouvant la présider, avec le syndic assurant le secrétariat, à condition naturellement que le règlement n’impose pas un nombre minimal de scrutateurs…

Par contre, la Cour de cassation la censure sur son argumentation principale : en considérant qu’il n’y avait pas lieu à prononcer la nullité dès lors que n'était pas contestée l'exactitude des mentions figurant sur la feuille de présence quant à la présence des personnes en cause, « alors que l'irrégularité affectant la composition d'une assemblée générale entraîne sa nullité sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un grief, et sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les personnes mentionnées à la feuille de présence avaient qualité pour voter et si, ainsi que l'indiquait le procès-verbal, les copropriétaires étaient tous présents ou représentés, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ».