Nous sommes régulièrement confrontés, lors des remontées d’informations concernant le déroulement des assemblées générales, à des situations particulières en raison de la méconnaissance et/ou des libertés prises par le bureau vis-à-vis du dispositif légal et réglementaire existant.
Dans le dossier que nous commentons ici, une assemblée générale a désigné simultanément plusieurs présidents de séance.
La Cour de Cassation confirme, dans un arrêt du 22 mars 2018, un principe essentiel concernant la tenue de l’assemblée générale et applique une sanction radicale en cas de manquement à celui-ci.
I. Président de séance : nombre et rôle
L’article 15 du décret du 17 mars 1967 dispose que l’assemblée générale doit nommer son président de séance.
Celui-ci est chargé de veiller au bon déroulement de l’assemblée générale, c’est-à-dire au vote des questions inscrites à l’ordre du jour et au prononcé des résultats dans le respect des prescriptions légales et réglementaires.
Cela implique de contrôler que :
- l’original du procès-verbal établi, en fin de séance par le secrétaire, est conforme à la réunion du syndicat (art. 17 du décret du 17 mars 1967) ;
- la feuille de présence (copropriétaires présents et représentés) n’enfreint pas les règles énoncées à l’article 22 de la loi du 10 juillet 1965.
Si cette feuille est régulière, il la certifie exacte et appose sa signature en bas du document (article 14 du décret du 17 mars 1967).
Pour mener à bien cette mission, il est assisté de scrutateurs, désignation impérative si le règlement de copropriété l’impose, facultative dans le cas contraire (art. 15 du décret du 17 mars 1967) et d’un secrétaire de séance.
II. La nullité de l’assemblée générale est encourue en cas d’infraction sur l’élection du président de séance
Alors que les règles relatives à la désignation du bureau, notamment son président de séance, ont tendance à être minimisées, les conséquences juridiques se révèlent autrement plus lourdes pour le syndicat des copropriétaires.
Dans le cas cité, un immeuble en copropriété tient son assemblée générale annuelle qui nomme pas moins de 5 présidents de séance. Une des copropriétaires opposantes assigne le syndicat en nullité de cette assemblée générale, en raison notamment du nombre de présidents de séance.
Cette demande étant rejetée en première instance et en appel elle se pourvoit en cassation.
La 3ème chambre civile de la Cour de Cassation dans un arrêt n° 16 - 27481 du 22 mars 2018, fait droit à la requête de la copropriétaire opposante sur la nullité de l’assemblée générale dans son ensemble sur le seul motif du nombre de présidents de séance :
« Vu l’article 15 du décret du 17 mars 1967 ;
Attendu qu’au début de chaque réunion l’assemblée générale désigne son président ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Grenoble, 20 septembre 2016), que Mme R., propriétaire de lots dans un immeuble soumis au statut de la copropriété, a assigné le syndicat des copropriétaires de la Résidence L.G. en annulation de plusieurs délibérations de l'assemblée générale des copropriétaires du 7 février 2012 ; qu’en appel, elle a sollicité l’annulation de l’assemblée générale ;
Attendu que, pour rejeter la demande d’annulation, l’arrêt retient que la désignation de plusieurs présidents de séance n’est pas interdite ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l'assemblée générale ne peut désigner qu'un seul président, la cour d’appel a violé le texte susvisé ; »
Cet arrêt est précis et ne donne pas lieu à discussion. L’article 15 du décret est appliqué strictement : un seul président.
Et ce président est obligatoire : la jurisprudence considère que l’assemblée est nulle si un président n’a pas été désigné.
Si en cours d’assemblée, le président quitte sa fonction à son initiative ou à celle de l’assemblée, il doit immédiatement être remplacé par un nouveau président désigné par l’assemblée générale parmi les copropriétaires. Sinon toute résolution votée en l’absence d’un président pourrait être annulée.
On ne peut qu’être surpris que le syndic, qui était secrétaire de séance, n’ait pas voulu ou pas pu faire entendre raison aux autres membres du bureau de cette assemblée générale.
A l’occasion de la tenue de l’assemblée générale, le seul et unique président de séance doit agir dans le cadre de la loi du 10 juillet 1965, de son décret d’application du 17 mars 1967 et du règlement de copropriété, afin de respecter les principes généraux de ces textes et minimiser les risques de contestations judiciaires par les copropriétaires opposants ou défaillants.
Il peut s’appuyer pour cela sur les conseils prodigués par un syndic averti, ou ceux d’un copropriétaire compétent.