Détermination de l’usage d’un local avant 2024 : primauté de la loi ancienne au nom de la sécurité juridique
Observation : apport d’un éclairage sur les conditions dans lesquelles des amendes civiles peuvent être appliquées dans le cadre des régulations des meublés de tourisme.
Principe : Dans le cadre d’une amende civile prévue par l'article L. 651-2 du code de la construction et de l'habitation en raison d'un changement d'usage illicite intervenu avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, la détermination de l'usage d'habitation du local doit s'effectuer à l'aune des critères de la loi ancienne.
Le changement d’usage d’un local d’habitation vers une activité de meublé de tourisme constitue un mécanisme encadré, soumis à autorisation préalable dans certaines communes.
Lorsqu’il intervient sans respect de cette procédure, il peut donner lieu à des sanctions, notamment à l’amende civile prévue par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation.
L’entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024, dite « loi Le Meur », a modifié les critères permettant de déterminer si un local est à usage d’habitation, condition préalable à la caractérisation d’un changement d’usage illicite.
Cette évolution législative soulève la question de son application dans le temps, à laquelle la Cour de cassation a été amenée à se prononcer par un avis du 10 avril 2025.
I. La requalification du changement d’usage par la loi du 19 novembre 2024
Cette nouvelle loi modifie les conditions dans lesquelles un changement d'usage de locaux peut être sanctionné et élargit le champ de l’autorisation préalable pour les meublés de tourisme.
Ainsi, en vue de renforcer les poursuites contre les changements d’usage illicites, celle-ci modifie les éléments à prendre en considération pour réputer un local à usage d'habitation. Pour ce faire, elle a notamment substitué à la seule date de référence du 1er janvier 1970, deux périodes d'une durée respective de sept et trente ans.
En l’espèce, un changement d’usage illicite avait été constaté dans le cadre de la location d’un bien meublé à une clientèle de passage.
L’amende civile, prévue par l’article L. 651-2 du Code de la construction et de l’habitation, avait été sollicitée sur la base de ce changement d’usage.
L’affaire met en lumière un dilemme juridique classique : celui de la rétroactivité des lois.
A ce titre, le principe de non-rétroactivité des lois plus sévères, consacré par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, impose que la loi applicable soit celle en vigueur au moment des faits.
Il s’agissait donc de savoir si une telle législation plus sévère peut être appliquée aux faits antérieurs à son entrée en vigueur.
II. L’exclusion de la loi nouvelle pour les faits antérieurs : une application du principe de non-rétroactivité
La Cour de cassation souligne que la modification apportée par la loi Le Meur de 2024, affecte directement les règles de fond régissant les conditions dans lesquelles un bien peut être qualifié de changement d’usage illicite.
Ce changement législatif a donc une portée substantielle, non seulement sur le fondement de l’action, mais également sur la sanction elle-même plus répressive, en augmentant l’amende civile encourue par les propriétaires de locaux ayant fait l’objet d’un changement d’usage illicite.
En ce sens, la Cour de cassation rappelle qu’une loi plus sévère ne pouvait s’appliquer rétroactivement aux faits antérieurs à son adoption, conformément à la règle de non-rétroactivité des lois plus sévères, et ce même en matière de sanctions civiles.
Par conséquent, l’amende civile devait être évaluée en fonction des règles applicables au moment des faits, et non en vertu des critères introduits par la loi nouvelle.
Cette clarification apporte un éclairage sur les conditions dans lesquelles des amendes civiles peuvent être appliquées dans le cadre des régulations des meublés de tourisme.
Par ailleurs, elle assure une meilleure sécurité juridique des propriétaires ayant agi conformément à la législation en vigueur avant cette réforme.
FONDEMENTS JURIDIQUES :
• Tribunal judiciaire Paris 15 Janvier 2025 23/59258
• loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024